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Quand Lemarec Destin lance sa bouteille à la mer

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À l’adolescence, après avoir lu les grands classiques de la littérature, tel « Robinson Crusoé » de Daniel Defoe, ou « l’Île mystérieuse » de Jules Verne », on s’amusait à confier nos désirs, nos rêves, à la mer. Sur une frange de papier à enfouir dans une bouteille, on griffonnait nos vœux avec la puérile intention que sa lecture, un jour venu, pourrait rendre heureux quelqu’un, ou, à la rigueur, une éventuelle sirène de la mythologie grecque… En un mot, des rêves de notre âge. Quand on était jeunes, quand on était fous! Aujourd’hui, c’est différent, avec devisées de bâtisseur, d’une portée insoupçonnée, Lemarec Destin, nous revient avec un ouvrage cible, un livrephare : Le retour du train en Haïti.

C’est une œuvre qui invite au voyage, au sens propre comme au sens figuré, nous extirpant de la rêverie pour embrasser la réalité. Objet de débat récurrent, le transport ferroviaire en Haïti fut l’apanage d’un passé pas trop lointain. C’est un ouvrage bien ficelé, arrivé à point nommé, un condensé bien programmé, pouvant satisfaire de multiples objectifs : commerces, emplois, tourismes, en vue de traverser la frontière de la modernité. Un livre-projet, très utile à cette nation, toujours à la dérive, ballottée de tout bord, tout côté, par les soubresauts de sa propre histoire, par les vagues d’un destin maudit.

La pertinence et l’universalité de son contenu vont attirer aussi des intéressés, autres que des Haïtiens, qui n’hésiteront point à l’utiliser à bon escient, et faire leur, la vision de l’auteur, au bénéfice de leur propre pays. Ils n’auront pas à débourser un centime pour une étude de faisabilité. Car tout est là à portée de mains pour lancer leur chantier. Oyez! Oyez! Déposez les rails! Faites venir le matériel roulant! Tout est déjà prêt!

Un livre avec un cachet d’optimisation réaliste

En fait, les informations pertinentes cumulées dans cette œuvre nous laissent la preuve du désir de l’auteur de pousser ce projet structurant, générateur d’emplois, destiné à diriger Haïti dans le sens opposé du plan de ses fossoyeurs. Pour nous exalter, chiffres à l’appui, il n’hésite pas à nous mettre, sous le nez, des données comparatives avec des petites nations africaines, telles que, le Togo qui, avec ses 7,6 millions d’habitants, a revitalisé son transport ferroviaire. Pour fouetter notre orgueil, la Dominicanie voisine et son système de transport dernier cri, (trains et métro), sont allègrement évoqués.

Dans sa plaidoirie, Destin s’est mué en sociologue. Il nous exhorte vivement à éviter de tabler sur le facteur culturel pour justifier notre retard ou notre tendance à investir dans le petit pain. Il a pris à témoin l’entrée fracassante du Québec dans la modernité, pas plus loin qu’hier, dans les années 60. Antérieurement à cette époque, ce dernier pataugeait presque dans une situation semblable à la nôtre. Comme nous, « il se complaisait dans la routine sécurisante de gérer des petites affaires, sans plus*1 », dans le même attentisme, où nous piétinons présentement.

Aujourd’hui, sa fulgurante résurrection, quasi miraculeuse, s’est avérée le fruit de rigoureuses décisions, quant à la perspicacité de ses dirigeants qui se sont dépassés, au point qu’un célèbre éditorialiste québécois, après un court séjour en Haïti, eût à souligner : « Quand les Québécois regardent leur passé, ils mesurent leur progrès. Pour les Haïtiens, à bien des égards, c’est l’inverse*2 ». Que dire!

Le retour du train en Haïti est, en réalité, un fil conducteur, un point de départ, une bouteille à la mer, sur laquelle, tout politicien avant-gardiste devrait se jeter dessus, comme un corbeau sur un morceau de fromage, s’il désire délivrer la nation embourbée jusqu’au cou dans la mélasse d’un sous-développement anachronique. Ainsi, son nom serait ciselé en feuilles d’étain aux frontispices de l’histoire, comme un visionnaire, un Haïtien perspicace, qui aurait conduit le pays sur les fonts baptismaux du développement, tant souhaité et tant attendu.

C’est un livre pénétrant, un livre-canevas, qui met en évidence l’intelligence de l’auteur. Alors que je croyais trouver un ouvrage littéraire, destiné à conforter le programme de quelques candidats en mal d’idées, vu la formation d’historien de l’auteur. J’ai été plutôt impressionné par les connaissances de celui-ci, en matière de « Relations industrielles », discipline à laquelle il s’est colleté durant son programme de maîtrise à l’université.

On en vient ainsi à comprendre sa méthodologie qui ne laisse aucune place à l’improvisation, à la poésie. La conclusion de son argumentaire ne souffre d’aucune faiblesse. C’est du « Solid gold* 3 ». Avec les souvenirs du train qu’il avait connu dans son enfance, notre prolifique écrivain nous laisse une œuvre forte et rassembleuse, destinée à rapiécer les lambeaux de cette nation déchiquetée.

Destin est confiant d’avoir apporté sa pierre pour remettre en marche le pays en léthargie. En introduction, il invoque le sens du collectif, pour stimuler les investisseurs et les politiciens à reprendre le flambeau. Il emprunte une note à Victor Hugo pour excuser notre retard, tout en nous flattant dans le sens du poil : « Après tout, pourtant, ces temps d’arrêt n’ont rien que de normal. Le découragement serait puéril. Il y a des haltes, des repos, des reprises d’haleine dans la marche des peuples ». C’est bien cela la réalité! Bonne chance Dèss! Bonne chance, Haïti!

Max Dorismond

mx2005@yahoo.ca

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