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Quand l’étranger bénéficie du génie chez l’haïtien

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Par Max Dorismond

          Quand l’émotion me submerge, face au succès de mes concitoyens en terre étrangère, il m’arrive de verser le trop plein sur une feuille de papier, surtout, avec l’intention de souligner à l’encre forte, les erreurs de mon cher pays qui ne se soucie point du futur de ses ressortissants, en laissant à d’autres nations le bénéficie de leur sagacité.

Toute cette matière grise haïtienne, dont les pays hôtes raffolent, a un dénominateur commun : les parents avaient fui Haïti à un moment ou à un autre pour mettre leurs progénitures à l’abri de l’instabilité récurrente.

 J’écris ces mots pour attirer l’attention de certains visionnaires de l’ombre de chez nous, pour leur chuchoter à l’oreille de tenir bon et de garder l’espoir, car Haïti est un incubateur de génies. 1804 en fut une preuve indélébile. Un jour viendra où l’un d’entre eux trouvera la formule magique pour bousculer le destin et rétablir le droit et la paix dans cette nation déséquilibrée. Étant supérieure en nombre, la masse critique des crétins a encore beau jeu. Mais un jour viendra la rédemption, car la nature a le vide en horreur.

Aujourd’hui le Québec n’a d’yeux que pour l’une de nos compatriotes, madame Régine Laurent. Elle est celle qui fait l’évènement ici depuis 2020/2021. Suite à la mort d’enfants par maltraitance dans leurs familles biologiques, en raison de certaines mauvaises décisions de la Direction de la Protection de la Jeunesse, un organisme-cadre mieux connu sous le sigle de la DPJ, le Québec, « une province folle de ses enfants », a jugé nécessaire d’aller sonder le fond des choses en créant une commission pour déterminer la cause de cette méprise et de bien d’autres ratés soulignés par le passé.

Qui a été choisi pour présider la Commission Spéciale sur les Droits des Enfants et de la Protection de la Jeunesse ? Régine Laurent, une ex-infirmière d’origine haïtienne, énergique et expérimentée. Par son parcours, on savait à l’avance que le Québec ne s’était pas trompé de carte. Ayant fait ses armes à titre de Présidente de la « Fédération interprofessionnelle de la Santé du Québec (la FIQ) », elle était dans son élément, car, des dossiers chauds, elle en avait refroidi pas mal, dans sa carrière.

Épaulée par des spécialistes de la question, elle a interrogé plus de 300 intervenants et autres concernés, pour atterrir avec une brique de 417 pages que tout le pays attendait avec fébrilité. Toutes ses recommandations semblaient faire des heureux. Les félicitations fusaient de toutes parts. La presse tomba en pâmoison devant celle qui a conclu sa conférence par ces mots enivrants : « Le Québec était fou de ses enfants. Désormais, il en sera digne ».

Pour concrétiser l’objet de cette importante réflexion, le Premier ministre François Legault, très satisfait, a confié le dossier à son ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, le Dr Lionel Carmant.

 Qui est cet illustre personnage ? C’est aussi un congénère arrivé au Québec, avec ses parents haïtiens, à l’âge de 4 ans, un génie de la médecine, brillant neurologue opérant à l’Hôpital pour enfants, Sainte-Justine. En tant que sommité internationale, monsieur Legault l’avait personnellement invité à changer de cap pour s’initier en politique.

Au mois d’avril 2021, un article de journal est coiffé de cette présentation, « Le premier Noir à la commande du bâtonnat de Montréal est d’origine haïtienne ». En effet, Me Junior Extra Laguerre, est un jeune avocat fiscaliste, titré aujourd’hui comme le 172e Bâtonnier de Montréal. Ayant fréquenté deux Universités au Québec, Sherbrooke et Laval, il a réussi son parcours sans s’essouffler. Maintenant, à titre de Bâtonnier, il veille au bien-être de plus de 15 000 membres de la profession.

Dans le système capitaliste, on ne laisse pas traîner sa bourse entre les mains du premier venu. En Occident, le dieu dollar est la première entité à saluer avant tout signe de croix. Donc, avant d’abandonner son portefeuille dans les mains d’un néophyte, ce dernier doit faire preuve de compétences hors normes et son profil doit inspirer confiance au de-là de toutes considérations.

 Tel est le cas de Jimmy Jean, un jeune issu de la diversité, un néo-québécois originaire d’Haïti, un « stratège macro-économique » nommé au poste de vice-président, économiste en chef et stratège des Caisses Desjardins, la plus grande institution financière au Québec, avec plus de 7 millions de clients, et plus de 50 000 employés. Cette institution est la plus grande coopérative financière au Canada.

Sans doute, le nom de la Dre Alexandra Bastiani ne vous dit rien ? Née de parents haïtiens, dans le quartier multiculturel de Saint-Michel, à Montréal. La jeune dame a décroché, en 2020, un titre très convoité en médecine. Elle est la première Noire à joindre à son nom cette désignation distinctive de « Cardiologue d’Intervention au Canada ». Avez-vous bien lu ? Avec un baby face, toute menue, 5 pieds 2 pouces, elle fascine et bénéficie de la confiance et du respect de ses pairs.

Il y a tellement de ressortissants haïtiens à avoir gravé leurs noms dans la neige du Québec que nous ne pouvons tous les citer. Toutefois, faisons un petit coucou à la ministre Nadine Girault, qui mène bien sa barque dans le même clan politique que le Dr Carmant. Elle détient le titre de ministre des Relations internationales et de la francophonie.

D’origine haïtienne, par ses parents, qui seraient originaires de Jérémie, dans la pointe sud-ouest de l’île, elle est née aux USA et a immigré au Québec avec les siens. Détentrice d’un « Baccalauréat en administration des affaires » des HEC de l’Université de Montréal, elle s’est vue décerner la Médaille d’argent en 2002 pour son MBA à l’Université du Québec à Montréal.

Avant de tâter de la politique, Mme Girault avait laissé sa marque dans plusieurs institutions de prestige. Au printemps 2007, elle était devenue la première vice-présidente Noire à la Banque de Montréal (pour la région du centre-ville).

Grâce à la sélection naturelle résultant de notre transplantation en terre inconnue, lors de la colonisation sauvage, sauf les plus intelligents, les plus forts, les plus astucieux ont survécu, d’où ce foisonnement d’Haïtiens surdoués qui ont transmué leur fragilité identitaire en un terrifiant bouclier.

Dans ma propre famille, je peux citer ma nièce, l’ingénieure industrielle Cindy Dorismond, une ancienne du Collège Sacré-Cœur de Port-au-Prince, diplômée de L’École Polytechnique de Montréal, détentrice d’un MBA à « L’École des Sciences de la Gestion de l’UQAM (ESG) », haut cadre dans une multinationale au Canada. 

Pour avoir résolu, in extremis, un casse-tête de sa compagnie, qui perdait 5 millions de dollars par mois, depuis plus d’un an, suite à un changement de système informatique, elle a reçu une lettre promotionnelle et de félicitations du président de l’entreprise, se terminant par ces mots électrisants : « ce sont sur des gens comme vous que l’entreprise doit s’appuyer pour regarder l’avenir ». Et pourtant, ironie de l’histoire, notre Cindy n’est pas une ingénieure informatique. Qui dit mieux !  

Pour votre édification, je vous invite à lire l’ouvrage d’un autre génie, le Professeur Samuel Pierre, « Ces Québécois venus d’Haïti », pour une certaine évaluation de la perte sèche nationale en matière d’intelligence hors normes.

Partout en Occident, le génie haïtien brille de tous ses feux. Le monde a évolué. La victoire d’Obama et la mésaventure de Georges Floyd aux USA ont troublé quelques sommeils. Ce qui explique que plusieurs portes hésitantes, plusieurs plafonds de verre, se laissent traverser allègrement, malgré la discrimination systémique qui assurait encore des privilèges innés à certains.

– Épilogue –

          Que pensons-nous, que disons-nous, que ferons-nous pour le futur, chers frères ennemis ? Allons-nous pour une fois donner une chance à notre repère de génies ou allons-nous continuer à consolider la richesse des autres.

Des génies de l’histoire – Nos ancêtres, sans formation militaire classique, ont porté cette nation sur les fonts baptismaux en 1804. Par imbécillité, par folie du pouvoir et par l’amour égoïste du gain, nous avons endeuillé la jeune nation en assassinant le premier visionnaire, le libérateur J-J. Dessalines. Il avait contribué à sauver le monde moderne naissant, en donnant un autre sens à l’expression « égalité humaine ». N’étaient ces génies de Saint-Domingue, aujourd’hui, en plein XXIe siècle, l’Occident serait encore esclavagiste. Ce que les États-Unis viennent d’endurer, de 2017 à 2021, nous laisse perplexes, et nous rappelle que le ventre de la bête est toujours fécond.

Depuis 1804, nous évoluons « en chiens de faïence, en chiens enragés ». Peu d’élus ont eu la chance de terminer leur mandat, d’où la justification de tout un chacun de partir sans aucun remords avec la caisse du pays pour meubler son exil. Le feu, la bave coulent de nos gueules, à l’assaut du pouvoir en place pour assouvir notre instinct débridé. À la recherche d’une certaine paix, le concitoyen prévoyant préfère prendre le large pour sauver sa peau, sa vie et celle de ses proches, en emportant avec lui cette souche de génie qui aurait pu modeler, ciseler Haïti en une perle d’envie. Hélas !

Max Dorismond

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