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Une année 2023 à oublier sur le plan politique et sécuritaire !

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L’année 2023 touche à sa fin sans aucun dénouement à la crise politique alors que les promesses en début d’année du Premier Ministre Ariel Henry avaient laissé entendre qu’il y aurait une issue différente de la réalité sociopolitique. Les protagonistes n’ont pas trouvé un accord politique pouvant permettre la réalisation des élections. Le responsable de la Primature continue d’être le seul maître à bord alors que la crise reste entière. Les gangs armés continuent de gagner en puissance. Haïti se vide de plus en plus de son capital humain.

Lors de son discours officiel le 1er janvier 2023 à l’occasion de la célébration du 219e anniversaire de l’indépendance du pays,  Ariel Henry avait clairement déclaré que l’année 2023 allait être celle de la mise en branle du processus électoral. « […] Tous les vrais démocrates devraient saisir la possibilité qui leur est offerte de rejoindre le consensus national et de contribuer ensemble avec le gouvernement à la définition de la feuille de route qui comportera les stratégies et les actions à mettre en œuvre pour l’organisation des prochaines élections. Je réitère devant vous la promesse qu’aucun camp ne sera favorisé », avait-il martelé lors de son discours de circonstance le jour de la célébration de l’indépendance d’Haïti.

Le Chef du gouvernement s’était montré convaincant et sûr de lui ce jour-là en ce qui concerne la réalisation des élections en cette année 2023 puisqu’ il avait lancé dans son discours un message d’espoir, d’unité et d’espérance à tous les Haïtiens en affirmant qu’il avait foi dans notre capacité « à faire taire nos divergences, à mettre entre parenthèses nos égos et nos intérêts individuels, à reconstruire cette union qui a fait la force de nos ancêtres». « Je vous demande de me prendre au mot quand je parle de la volonté de mon gouvernement de tout mettre en œuvre pour reconstituer nos institutions démocratiques. Ce n’est pas avec de la méfiance que l’on monte une équipe pour affronter ensemble les dangers qui planent sur notre patrie commune », avait affirmé le neurochirurgien à la tête de la Primature.

Le Dr Henry avait déclaré qu’il avait l’intention de mener de front plusieurs initiatives au cours de l’année 2023, en particulier résoudre le problème de l’insécurité. « Le système judiciaire devrait voir la Cour de Cassation remise en état de fonctionner avec un effectif suffisant de juges, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire complété. Un Conseil électoral provisoire sera mis en place. Il aura pour tâche de planifier et de proposer au gouvernement un calendrier raisonnable pour l’organisation des prochaines consultations populaires », avait-il affirmé en souhaitant voir que les Haïtiennes et les Haïtiens d’ici et d’ailleurs, se réconcilient, se donnent la main en toute confiance, en vue de bâtir ensemble les  bases sur lesquelles nos jeunes viendront construire l’Haïti de l’avenir.

Pour arriver aux élections, il fallait d’abord qu’il y ait un accord politique entre le pouvoir et les acteurs de l’opposition. La signature de cet accord devait découler d’un dialogue franc et sincère entre les parties prenantes de la crise haïtienne. Or, les acteurs politiques dans un premier temps n’ont pas voulu s’asseoir entre eux pour dialoguer afin de résoudre la crise alors que le pays se trouvait au bord de l’abîme. L’insécurité régnait en maître et seigneur en Haïti, comme c’est toujours le cas. Cet état de fait a impacté la vie socioéconomique du pays et préoccupé la communauté internationale. Le 27 février 2023, une délégation de la communauté des Caraïbes (CARICOM) ayant à sa tête le Premier Ministre de la Jamaïque, Andrew Holness, était arrivée au pays dans l’objectif d’explorer des moyens qui pourraient permettre à la région de la Caraïbe de venir en aide à Haïti.

Questionné à ce sujet le 3 mars 2023 par Le Quotidien News, le Dr Emmanuel Ménard avait plaidé pour une coopération régionale permettant de structurer les forces sécuritaires du pays dans la lutte contre la prolifération des bandes armées. « On est content d’avoir été visité par une délégation de la CARICOM. Cependant, je ne peux pas faire partie de ceux qui pensent que c’est une organisation régionale qui peut aider le pays à résoudre les problèmes auxquels il est en train de faire face », avait martelé le Président du Parti Force Louverturienne Réformiste, à savoir le Dr Emmanuel Ménard.

Entre-temps, la question du dialogue était devenue une nécessité. Les protagonistes de la crise haïtienne devaient s’asseoir ensemble pour discuter des problèmes qui rongent le pays. La CARICOM allait faciliter ce processus de dialogue en invitant les représentants des organisations politiques, de la société civile et des membres du gouvernement en place à prendre part au dialogue inter-haïtien qui allait se dérouler du 11 au 13 juin à la Jamaïque. Les acteurs haïtiens à la fin de ce sommet politique n’étaient pas parvenus à un consensus qui aurait pu être un pas vers la résolution de la crise multidimensionnelle aiguë que traversait Haïti depuis plus de deux ans. Les différents groupes ayant pris part à ce processus de dialogue ont rejeté la faute sur les autres groupes de l’échec de ces pourparlers.

En dépit de cela, les émissaires de la CARICOM n’ont pas baissé les bras dans la perspective d’aider les acteurs haïtiens à trouver un compromis politique. Ils ont continué  d’insister en faveur du dialogue. À preuve, ils ont fait plusieurs visites en Haïti. À chaque fois, ils repartaient bredouille. Les acteurs politiques ne pensaient qu’à leurs intérêts personnels et refusaient toute forme de concession. Autrement dit, ils n’ont jamais trouvé nécessaire de faire un dépassement de soi pour faciliter une entente politique entre eux.

Il y avait un groupe qui voulait à tout prix la démission du Premier Ministre Ariel Henry et un autre qui voulait l’élargissement du Haut Conseil de la Transition (HCT) en renforçant par ailleurs le pouvoir de ce dernier. Lors de l’arrivée de la troisième mission de la CARICOM, le parti politique EDE pour sa part avait exprimé certaines préoccupations qui pouvaient être considérées comme des préalables à la réussite de ces négociations. L’ancien Premier Ministre par intérim Claude Joseph avait demandé aux émissaires de la CARICOM d’encourager M. Ariel Henry à se présenter par devant le juge instruisant le dossier de l’assassinat de Jovenel Moïse, car « EDE se sentait très inconfortable pour discuter de l’avenir du pays avec un Premier Ministre de facto qui utilise tout son pouvoir pour faire obstruction à la justice dans le cadre de l’assassinat de Jovenel Moïse ». Cette nouvelle mission de la CARICOM n’a pas abouti à un accord. Le dialogue est toujours dans l’impasse.

Le double jeu de  Mirlande H. Manigat ?

Le cas de Mirlande H. Manigat dans l’histoire récente de la politique haïtienne durant l’année 2023 n’a fait que susciter des réactions. La constitutionnaliste pouvait aisément être critique à l’égard du Premier Ministre Ariel Henry, mais elle a passé son temps à contredire ce qu’elle avait dit auparavant. Mme Manigat affirmait dans une Note de presse parue le 14 novembre 2023 qu’elle était favorable à l’élargissement du HCT et se disait être « en faveur d’un gouvernement plus inclusif au sein duquel plusieurs secteurs seront représentés en vue de faire le plein des compétences pour résoudre les problèmes fondamentaux du pays ».

Si Mme Manigat avait déclaré en date du 2 novembre 2023 au micro de la presse avoir constaté des retards considérables dans le processus devant aboutir à l’élection d’un Président le 7 février 2024, conformément aux prescrits de l’accord du 21 décembre 2023, cette fois, à travers une Note de son cabinet, elle avait soutenu que les élections, c’est la finalité de toute transition. « Les consultations populaires restent fondamentales pour un retour à l’État de droit et à la normalité démocratique. C’est dans cette direction que tous les efforts doivent converger en vue de permettre au peuple de décider de l’essentiel en démocratie, c’est-à-dire la possibilité de choisir ses dirigeants en toute indépendance », avait-elle affirmé.

Des supports ?

La Cheffe du Bureau Intégré des Nations Unies (BINUH) en Haïti, Maria Isabelle Salvador, avait de son côté marqué l’année 2023 lorsqu’elle avait apporté son support au Chef de la Primature. Elle avait écrit sur son compte X que « le seul chemin pour sortir d’une transition politique, ce sont des élections démocratiques, transparentes et participatives ».

Ces manœuvres politiciennes  semblent ne pas prendre en compte la réalité sociopolitique et économique difficile du peuple haïtien. La préoccupation du Premier Ministre Ariel Henry est de rester au pouvoir, semble-t-il. Ses promesses en début d’année tombent dans l’oubli. Aucune planification n’est faite pour la mise en branle du processus électoral. Le neurochirurgien est incapable de trouver un compromis politique avec ses opposants en dépit de l’insistance des émissaires de la CARICOM. Et, c’est justement ces derniers qui ont proposé à travers un document la mise en place d’une structure gouvernementale de transition.

À travers laquelle il y avait, entre autres, la mise en place d’un Conseil de Transition (CT) révisé et composé de 7 membres, la formation d’un gouvernement d’entente nationale, la réforme de la Constitution et la formation d’un Conseil Électoral Provisoire. Le Chef du gouvernement, quant à lui, devait rester à la Primature pendant cette transformation de 18 mois, selon cette proposition qui a été rejetée par les acteurs politiques.

Durant l’année 2023, les gangs armés sont devenus plus présents. Ils gagnent constamment en puissance. Ils prennent d’assaut d’autres territoires. Mariani en est un exemple. Le pays s’enlise dans le chaos. Le Premier Ministre Ariel Henry est incapable de respecter un accord qu’il avait lui-même signé.

Publié dans le journal officiel Le Moniteur, l’accord intitulé « Consensus National pour une Transition Inclusive et des Élections Transparentes » signé entre le pouvoir Exécutif, le secteur économique, le secteur social et le secteur politique dispose en son article 20 que la fin de la transition est prévue pour le 7 février 2024. « […] Les signataires du présent Consensus conviennent que la période de transition englobera les nouvelles élections générales qui se tiendront en 2023 et l’entrée en fonction d’un Gouvernement nouvellement élu le 7 février 2024 », peut-on lire. Or, jusqu’à date, rien n’est encore fait par le neurochirurgien pour faciliter la mise en place des membres du Conseil Électoral Provisoire afin de lancer le processus électoral.

C’est le désespoir dans le pays. Les gens continuent de fuir Haïti massivement. Et ces  départs forcés risquent d’avoir des conséquences désastreuses sur l’avenir du pays et ce, à tous les niveaux.

Signalons que,  à l’occasion du 220e  anniversaire  de la proclamation  de l’indépendance d’Haïti, le locataire de la Primature a encore fait plein de promesses. « 2024 doit être l’année de la réconciliation nationale et du rassemblement de la famille haïtienne autour d’un projet commun », a déclaré le Dr Henry, entre autres.

Jackson Junior RINVIL

rjacksonjunior@yahoo.fr

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