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Défaillances du système judiciaire et carcéral en Haïti : Un État en proie à l’insécurité

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Le pays traverse une période tumultueuse. L’État haïtien n’est pas épargné non plus par cette conjoncture marquée par des défis considérables dans la gestion de ses institutions publiques. Ces dernières années, les attaques répétées contre les institutions judiciaires et carcérales révèlent les difficultés croissantes de l’État à assurer la sécurité et le bon fonctionnement de ces organes essentiels.

L’évasion massive survenue à la prison pour femmes de Cabaret en septembre 2023 a illustré l’ampleur des problèmes sécuritaires auxquels l’État haïtien est confronté. Les bandits, armés et organisés, ont non seulement permis la fuite d’une grande partie des détenues, mais ont également empêché l’intervention des forces de l’ordre. Cette attaque a mis en lumière la vulnérabilité du système carcéral haïtien face à des groupes criminels déterminés.

La situation a empiré ce mardi 30 janvier 2024 avec le vandalisme de la prison civile des femmes à Lafiteau, dans la commune de Cabaret au Nord de Port-au-Prince. Les bandits ont saccagé le centre, consolidant ainsi leur emprise sur la région. Le local de la prison a longtemps été une cible prioritaire pour les gangs locaux. Malgré les différentes menaces et tentatives, les mesures nécessaires n’ont vraisemblablement pas été prises, et les criminels continuent de gagner en puissance. Ces attaques répétées ne font que souligner les difficultés persistantes de l’État à protéger ses institutions carcérales, exposant les détenus à des conditions de détention précaires. Signalons que, bien avant les actes de vandalisme, les détenues ont été transférées dans un autre centre carcéral.

Des conditions de détention préoccupantes

« Au 4 janvier, les prisons haïtiennes comptaient 11 778 détenus, dont 369 femmes, 236 garçons et 44 filles, alors qu’elles ont une capacité d’accueil totale de 3 900 places », selon le rapport du Secrétaire Général de l’ONU au Conseil de Sécurité pour le compte du BINUH, daté du 15 janvier 2024. La surpopulation carcérale, combinée à des conditions sanitaires déplorables, contribue à entretenir des taux de mortalité élevés parmi les détenus. La malnutrition a entraîné la mort de 107 détenus en 2023, rappelle le BINUH dans son « rapport trimestriel sur la situation des droits de l’Homme en Haïti » pour les mois d’octobre à décembre 2023, publié ce jeudi 1er février 2024.

« Les autorités haïtiennes ont augmenté le budget des prisons pour 2023/24 de 87 %, dont 41 % destinés à la nourriture. Malgré les difficultés d’approvisionnement opérationnelles dues au fait que les principales routes d’accès sont contrôlées par les bandits, cela devrait conduire à une augmentation visible de l’assistance apportée aux détenus », avait fait savoir le BINUH dans son rapport du 15 janvier.

Ces chiffres mettent en évidence les conséquences tragiques des lacunes dans la gestion carcérale. Pour lutter contre la surpopulation, le Ministère de la Justice et le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ont lancé une initiative visant à organiser des sessions judiciaires quotidiennes. Bien que cette mesure ait permis de traiter environ 400 dossiers et de libérer plus de 258 personnes détenues pour des délits mineurs, elle ne résout pas les problèmes structurels sous-jacents.

Les systèmes judiciaire et carcéral défaillants

Ces attaques et conditions de détention révèlent un ensemble de problèmes systémiques. Le système judiciaire haïtien reste largement dysfonctionnel, marqué par des grèves récurrentes des acteurs de la justice réclamant de meilleures conditions de travail. Le renforcement de l’éthique au sein du pouvoir judiciaire, bien que louable, suscite des préoccupations quant à la certification des juges. Des critiques ont souligné des lacunes dans le processus de certification, mettant en doute l’intégrité de certains juges certifiés et laissant sans recours ceux qui ont été déboutés. La gestion des services pénitentiaires est également en crise, avec une surpopulation carcérale persistante malgré une augmentation significative du budget. Les grèves des procureurs et des greffiers démontrent un mécontentement généralisé au sein du personnel judiciaire, exacerbant les difficultés du système.

En somme, la situation actuelle en Haïti révèle un État aux prises avec d’énormes défis dans la gestion de ses institutions publiques. Les attaques contre les institutions judiciaires et carcérales mettent en évidence une insécurité croissante, tandis que les conditions de détention précaires soulignent l’incapacité de l’État à assurer la sécurité des détenus. Les défaillances du système judiciaire et carcéral sont le reflet de problèmes structurels plus profonds, exigeant une attention urgente pour garantir les droits fondamentaux de tous les citoyens haïtiens.

Clovesky A.-G. PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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