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Haïti en passe d’éliminer le choléra

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Quand le Dr Edwige Michel a rejoint le ministère de la Santé publique et de la Population en 2012, des centaines de personnes présentant les symptômes du choléra se rendaient dans les différents centres de soin du pays. Aujourd’hui, sans vouloir encore crier victoire, il est très heureux de constater que les efforts déployés pour maîtriser la maladie ont rencontré un franc succès. « Depuis 2019, aucun cas de choléra n’a été confirmé en Haïti, et ce malgré des études en laboratoire de tous les cas symptomatiques à cette maladie, » explique le Dr Edwige Michel, coordonnateur de recherche à la direction d’Épidémiologie, de Laboratoires et de Recherche du ministère de la Santé publique.

C’est en octobre 2010 que l’épidémie de choléra s’est déclarée en Haïti, suite au terrible tremblement de terre qui avait frappé le pays le 12 janvier de la même année, faisant environ 250 000 morts, 300 000 blessés, et laissant 1,3 million d’habitants sans abri. En 2011, Haïti avait enregistré le pic de l’épidémie de choléra, avec quelque 352 000 personnes présentant des symptômes. Selon les données du ministère de la Santé publique et de la Population, entre octobre 2010 et décembre 2018, 819 000 personnes ont présenté des signes de la maladie et 9 700 en sont mortes, faisant d’Haïti l’un des pays les plus sévèrement touchés par le choléra.

Un soutien mobile pour le traitement et la prévention

Le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) avec l’aide de ses partenaires dont la Banque mondiale, a développé plusieurs initiatives afin d’endiguer l’épidémie. En 2011, le projet de Réponse d’urgence au choléra a été lancé. Doté d’un budget de 15 millions de dollars, il visait à améliorer la santé et les pratiques en matière d’hygiène afin de freiner la propagation de la maladie et de renforcer les institutions chargées de la réponse aux épidémies. Combiné au projet d’Amélioration de la santé maternelle et infantile au travers des services sociaux intégrés (PASMISSI), lancé en 2013, et avec l’aide d’institutions partenaires dont l’UNICEF, le MSPP a pu mettre en place des Équipes mobiles d’Intervention rapide (EMIRA). Réparties à travers les dix départements du pays, elles visaient à contenir et éliminer la maladie et constituaient l’un des éléments clés du Plan national pour l’élimination du choléra.

Depuis mars 2014, pour chaque nouveau cas potentiel identifié, une équipe mobile était dépêchée au domicile du patient et de ses voisins afin de contenir tout nouveau foyer possible dans les 48 heures. Ces équipes mobiles, appuyées par la Banque mondiale ou d’autres partenaires du secteur de la santé, ont apporté une réponse ciblée et empêché la contagion au sein des communautés. Elles ont organisé des initiatives de sensibilisation aux bonnes pratiques d’hygiène et aux méthodes de contrôle du choléra, en distribuant notamment du savon et des sels de réhydratation, tout en collaborant avec les autorités pour améliorer la qualité de l’eau. Elles ont également traité les maisons et les latrines des patients affectés par le choléra avec du chlore, permettant de stopper la contamination.

« Ces interventions s’avèrent d’autant plus importantes dans les communautés les plus vulnérables car c’est là que l’accès à l’eau et les conditions sanitaires sont les plus précaires, » explique le Dr Michel. « Le choix de se doter d’équipes mobiles a permis d’accroître la proximité entre la population et les autorités sanitaires. Nous avons pu mieux comprendre les conditions de vie des populations affectées. Et sur place, nous avons pu aider la population à identifier les sources potentielles de contamination, les sensibiliser aux facteurs de risques et combler les lacunes en matière de personnel travaillant dans les institutions ou les centres de traitement. »

Vers une éradication définitive du choléra en Haïti

Les équipes mobiles de santé ont joué un rôle central pour mettre un terme à la transmission du choléra et lutter contre les maladies aux symptômes similaires. Depuis février 2019, Haïti n’a enregistré aucun cas de choléra confirmé en laboratoire. Une vigilance soutenue contre toute nouvelle épidémie reste nécessaire et les principales agences sanitaires poursuivent leurs recherches extensives afin de déterminer si la bactérie de Vibrio cholerae a bien disparu du sol haïtien.

À travers le projet de Renforcement de la santé primaire et de la surveillance lancé en 2019, doté d’un financement de 70 millions de dollars de la Banque mondiale, le Gouvernement haïtien renforce la surveillance et le contrôle des maladies infectieuses, notamment le choléra, et renforce les acquis du projet PASMISSI. Le projet contribue au maintien de la surveillance efficace du MSPP sur tout le territoire et les capacités de réponse dans la lutte contre le choléra. Il permet également d’intégrer ces outils à leurs systèmes opérationnels pour lutter contre d’autres maladies. L’expérience d’Haïti en matière de lutte contre le choléra a ainsi permis d’aider les autorités sanitaires lors de la mobilisation en réponse à la pandémie de COVID-19.

« Depuis 2018, la Direction d’Épidémiologie, de Laboratoires, de Recherche a entrepris une surveillance en laboratoire des patients asymptomatiques du sud du pays, où nous n’avons enregistré aucun cas depuis 2017. Nous maintenons une surveillance passive, qui consiste à étudier les cinq premiers cas de diarrhée aiguë chez les patients de plus de cinq ans qui ne répondent pas aux critères de définition du choléra, pour conduire des tests. Cela contribue également au renforcement des laboratoires régionaux et périphériques, » explique-t-il, en rappelant que pour l’heure, tous les résultats sont revenus négatifs.

En complément de l’appui aux interventions basées sur des preuves pour la prévention et le traitement des maladies, la Banque mondiale et d’autres partenaires du Gouvernement haïtien ont développé des programmes afin de promouvoir l’accès durable à l’eau et de meilleures conditions d’assainissement dans diverses régions du pays, en particulier dans les zones qui étaient les plus affectées par le choléra, à travers la construction, la réhabilitation et l’extension des systèmes d’approvisionnement en eau potable et d’installations sanitaires. « Aujourd’hui, le pays est mieux équipé pour gérer une éventuelle réapparition du choléra, avec les connaissances et l’infrastructure nécessaires pour minimiser l’impact des maladies liées à l’eau et aux mauvaises conditions d’hygiène, » conclut le Dr Michel.

BM

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