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Prestation mitigée de Jovenel Moïse au Conseil de sécurité de l’ONU

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Le chef de l’État haïtien, Jovenel Moïse  est sous le feu des critiques après avoir représenté le pays au Conseil de sécurité de l’ONU, le 22 février dernier. Le président a  prononcé un discours à la fois vantard et plaintif avant de se faire surclasser par la représentante française à cette réunion sur le rapport de l’institution concernant le cas haïtien.

Les critiques touchent plusieurs aspects, y compris les bavures communicationnelles. Le président au contraire n’en fait aucun cas puisqu’il s’agissait pour lui d’apporter des éclaircissements pour le Conseil sur le contenu du document soumis à son appréciation. Il en a profité pour concéder au Secrétaire général des Nations Unies l’exactitude de son rapport qui reflète sans faille la réalité en Haïti.

M. Moise tente de vendre sa marchandise

D’entrée de jeu, le président s’est tressé des lauriers pour avoir bien géré la Covid-19. Il a mentionné avoir pris des mesures économiques pour respecter, précise-t-il, le confinement. Entre autres précautions, il cite le fameux cash transfert, le paiement des salaires de 110 000 professeurs et de 65 000 ouvriers de la sous-traitance. Une commande de 473 000 tonnes de matériels a été passée et livrée et des millions de masques conçus en Haïti  ont été distribués. Il  s’est réjouit d’être parmi les trois pays de la Caraïbe les moins touchés.

Malgré les circonstances, le président s’est décerné un satisfecit. « La démocratie se porte bien », dit-il. Le chef de l’État n’hésite pas. Il soutient avoir sollicité sans relâche le dialogue refusé à chaque tentative par les opposants. Parallèlement, il précise vouloir engager une réforme dans le secteur de l’énergie et couper court à la manipulation de la monnaie nationale, tout en changeant la politique agricole. Il a  déclaré  aussi avoir résilié des contrats entachés de corruption et faire face à un puissant lobby dans le domaine des affaires.

La liste des réalisations et des prouesses de l’exécutif est longue. Et le président n’en a pas fait abstraction. Il dégaine, précisant que son administration a résisté à 7 tentatives d’interruption de l’ordre constitutionnel par la violence. Il a aussi  tenu tête aux groupes armés et aux « terroristes » (selon ses dires) du fantom 509. À cela, il ajoute une tentative de coup d’État déjouée le 7 février 2021. M. Moise a tenu à préciser au Conseil qu’il a lancé un processus anti-gangs, qui en a démantelé 38 sur 102 répertoriés à ce jour. Informant au passage que le taux du kidnapping a baissé.

Il  indique de surcroît avoir mis en place une gestion des armes et des munitions tout en augmentant le budget du pouvoir judiciaire, comme il l’a fait pour la PNH.

L’opposition clouée au pilori

Le chef de l’État haïtien n’y va pas avec le dos de la cuillère. Il maintient son discours d’oligarque corrompu pour décrire ses opposants sur le terrain et dissimulés dans des geôles inconnues. Selon M. Moïse, ces apatrides  rendent la vie dure à la population en cherchant à rompre l’ordre constitutionnel sous prétexte de contester une élection,  selon lui, libre, honnête et démocratique. Jovenel Moïse précise pour son auditoire qu’il a hérité d’un système favorisant le pillage de l’État et l’appauvrissement de la population au profit des corrompus précités. Ne voulant pas que cela change, ils le forcent  à combattre un lobby avec de grands moyens, mentionne-t-il.

En réaction, fait savoir le chef de la diplomatie haïtienne, les oligarques ont bloqué le Sénat pendant trois ans et empêché la tenue des élections. Ses opposants, dit-il, ont infligé à la nation le phénomène de « peyi lok » qui a coûté des millions de gourdes au peuple haïtien. L’opposition dans sa constitution globale se cache derrière les violences pour masquer son refus du régime démocratique et des élections comme seul moyen d’accéder à la gestion de l’État. Et, c’est pour cela aussi, dit-il, qu’elle refuse le dialogue optant du coup pour la violence politique et le chaos en vue d’un coup d’État.

Le clou de son exposé est sa déclaration concernant les bandits déguisés en journalistes et en manifestants. M. Moïse a souligné que c’est la peur des élections et des bulletins de vote qui stimulent les opposants au coup d’État. Jovenel Moïse est tranchant, il fait face, dit-il,  à une opposition sans alternative.

La France a embarrassé M. Moïse

La représentante de la France à cette réunion a mis en quelque sorte le président dans une situation inconfortable. En plus des préoccupations qu’elle  a formulées sur la question sécuritaire et la gouvernance par décrets, l’intervenante au nom de la France a adressé une double question au locataire du palais national, qui est resté de glace. Ces questions sensées ont révolté la population.

« Comment est-il possible aujourd’hui que Jimmy Chérisier soit toujours en liberté ? Les responsables du massacre de La Saline ou de Bel’Air doivent être traduits en justice. Je constate également que l’enquête sur l’assassinat de Monferrier Dorval ne progresse pas ? La lutte contre l’impunité doit être la priorité de l’État », dit-elle au président, accompagnant ses déclarations à chaque fois d’une conclusion peu clémente en guise de recommandation.

Elle a aussi souligné à l’attention du chef de l’État que son pays est  informé de sa volonté d’organiser les élections et le referendum pour une nouvelle Constitution. Sur la question des élections, elle a précisé : « Encore faut-il bien que ces scrutins contribuent à une sortie de crise et ne rajoutent pas à la confusion actuelle ». Elle ajoute : « Pour ce faire, il faut des conditions de sécurité minimale, l’accélération de la distribution des cartes CIN, la nécessité d’avoir un juge électoral impartial ».

Daniel Sévère

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