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Saut-d’Eau : les revers de la ville du bonheur

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Réputée pour sa fête patronale « Notre-Dame du Mont-Carmel », Saut-d’Eau a été la ville du bonheur pour pélerins, touristes et ses habitants. C’était la terre sainte d’Azor, la ville miracle des croyants. Néanmoins, cette particularité s’est estompée avec la crise qui a tout paralysé.

Saut-d’Eau est devenu un mirage aux yeux de bon nombre d’Haïtiens. Saut-d’Eau est une commune d’Haïti située dans le département du Centre, arrondissement de Mirebalais. Elle a une superficie de 175,4 kilomètres carrés et est située à une altitude de 233 mètres. Son nom vient de la chute d’eau (la Cascade) qui coule d’un flanc de morne nommé la Montagne Terrible. On y cultive le coton, les agrumes et le maïs. Malgré la déforestation, la région est encore riche en eau et en végétation. Les zones comme Marotière et Doco possèdent chacune une grotte à réputation mystique et des zones encore bien boisées. Saint-Jean, avec ses eaux dites guérisseuses, ses rochers et ses arbres séculaires ; des chutes géantes, avec leurs eaux en cascade arc-en-ciel ; les sites de « l’Immaculée », de « Calvaire » et de « Palmes » ont eux aussi la réputation d’eaux miraculeuses. En raison de son environnement magnifiquement préservé, Saut-d’Eau a été classé Parc Naturel au journal officiel Le Moniteur du 07 avril 2017, 172e année No 55-A.

Selon Gabin Estiverne, étudiant en sciences politiques et journaliste, habitant de cette localité : « Saut-d’Eau n’est pas différent de beaucoup d’autres villes du pays. Cependant, la commune encaisse des déficits plus néfastes, comparativement à d’autres. Il n’y a presque plus de jardins. Les terres sont abandonnées ou vendues, l’argent servant à faire voyager des proches ».

La zone est surtout réputée pour sa fête du 16 juillet dédiée à la patronne de la ville : « Notre-Dame du Mont-Carmel » dite « Vierge Miracle ». Les pèlerins débarquaient par milliers. L’hospitalité étant de mise, les habitants mettaient leur maison à leur disposition faute d’infrastructures hôtelières dans la localité. Le tourisme solidaire a peut-être débuté ici même. Cependant, selon M. Estiverne, ces trois dernières années, tout a été chamboulé. Les problèmes d’insécurité, l’inflation, les crises politiques et la hausse du coût du transport ont transformé Saut-d’Eau en une ville perdue au fond du pays. L’année dernière, signale-t-il, l’assassinat de l’ancien Président Jovenel Moïse a paralysé la réalisation de la fête patronale.

Estiverne poursuit pour dire : « Il n’y a pas de marché public. Le terrain où les commerçants étaient accueillis a été vendu. Ils peuvent être chassés à tout moment du coin qu’ils occupent. Pas de bibliothèque. L’espace appelé terrain de foot est rocailleux et fragile. La ville possède deux ou trois écoles ayant des options professionnelles. L’unique école normale d’institutrices existe depuis trois ans: l’École Normale Ovide Decroly de Saut-d’Eau».

Étant oubliés par les responsables locaux, les jeunes, selon M. Estiverne, s’adonnent au phénomène du taxi-moto pour survivre et les familles sont en majeure partie dépendantes des proches de la diaspora. Pour ce qui est des pratiques touristiques, il a fait savoir qu’elles sont réduites. L’économie locale s’étiole au fur et à mesure que la crise que connait le pays empire. Celui qui est aussi journaliste fait mention d’actes de déforestation au niveau de Saut-d’Eau ; les gens coupent les arbres pour en faire du charbon. Il signale aussi que les bougies allumées déposées au pied des troncs des arbres dits sacrés ont tendance à retarder la production fruitière.

M. Estiverne a fait état du bureau de l’Office d’État civil qui n’est pas trop fonctionnel. L’étudiant en sciences politiques a expliqué qu’il n’y pas d’officier pour rédiger les actes car celui qui était en poste est parti en voyage et il n’est jamais revenu. Toujours selon le natif de Saut-d’Eau, la ville n’a ni un centre de loisirs, ni un lycée standard. « Les travaux de construction pour les deux lycées promis ont été arrêtés », se désole-t-il avant de préciser que l’un se trouve à proximité de la ville et l’autre dans la deuxième section de la commune. Il y en a un qui fonctionne, souligne M. Estiverne, et ses élèves logent dans le dortoir d’une école congréganiste (l’École Nationale du Mont-Carmel de Saut-d’Eau).

Tout compte fait, la ville fait face à des difficultés énormes. Faute de loisirs, les enfants espèrent connaître un jour le bonheur dont les plus âgés parlent volontiers. Certains n’osent y croire, alors que les pélerins croient, eux, aux bienfaits de la « Vierge miracle » comme promesse de renouveau.

Geneviève Fleury genevievef359@gmail.com

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