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Une nouvelle année judiciaire sur fond d’embûches

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Conformément aux alinéas du décret du 22 août 1995 sur l’organisation judiciaire, une nouvelle année judiciaire a été ouverte ce 4 octobre 2021, lors d’une cérémonie qui a réuni des personnalités issues de l’exécutif monocéphale, du tiers du Sénat et de l’appareil judiciaire.

L’année judiciaire 2020-2021 a été jalonnée de déceptions, beaucoup de défis n’ont pas été relevés par les acteurs concernés et des dossiers sont encore enveloppés du même voile de mystère  qu’au début de leur ouverture. Pour en énumérer quelques-uns: le dossier de l’assassinat de l’éminent avocat Monferrier Dorval peine à avancer en dépit du fait que le juge Loubenson Elysée vient d’être chargé de l’instruction du dossier en remplacement du juge Rénor Régis, le dossier Jovenel Moïse non plus n’a pas  beaucoup avancé après les hauts et bas qui ont entouré son instruction.

« Beaucoup reste à faire pour finaliser les dossiers légaux, pour atténuer la détention préventive prolongée, pour satisfaire les attentes des justiciables et de tout le pays ».  Ces propos du magistrat Carves Jean, Commissaire du Gouvernement près la Cour de cassation ont trouvé leur place au cours de la cérémonie d’ouverture. Aussi, la Cour, bredouille, reconnaît que la tâche lourde qui lui incombe est à peine entamée.

Des conditions de travail qui laissent à désirer.

À plusieurs reprises, au Palais de justice de Port-au-Prince, des séances d’audition ont dû être renvoyées pour la triste raison que les cabinets d’instruction, les bureaux des juges, l’espace dans son ensemble  ne sont ni climatisés ni suffisamment aérés. Les bureaux qui ne sont pas exposés à ce handicap peuvent se compter sur les doigts d’une main. C’est donc continuellement la canicule dans cet espace quotidiennement bondé d’avocats et de justiciables en attente d’assises, de traitement de leur dossier, entre autres.

Dans les tribunaux de paix également, les conditions de travail ne sont pas mieux. Pourtant cette situation ne semble pas être perçue par les responsables concernés. Par ailleurs, au tout début du mois de septembre, l’accès au tribunal était difficile en raison des tirs  sporadiques qui retentissaient au Bicentenaire. La justice a donc été bloquée par la situation  d’insécurité qui prend en otage les rues de Port-au-Prince. Aussi, les associations de magistrats ne cessent de réclamer la délocalisation du Palais de justice.

Le problème de la détention préventive : une injustice à corriger

Cette nouvelle année judiciaire voit de nombreux prévenus, croupissant dans les centres carcéraux, toujours en attente de leur jugement qui ne semble pas vouloir venir, alors que leurs conditions de détention sont pour le moins préoccupantes. Le taux de la détention préventive prolongée en Haïti est passé de 76% en juin 2020 à 85% en mars 2021, selon un récent rapport du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Il importe de souligner que le nombre de mètres carrés par détenu diminue dans les prisons à mesure que la détention préventive prolongée augmente, alors même que le standard international recommande 4,5 mètres carrés par cellule.

Une petite lueur de satisfaction

Le Premier Ministre Ariel Henry a procédé à l’installation des nouveaux membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), lors d’une cérémonie au local de l’institution. Cette nomination apporte une faible touche de positif dans ce bilan inquiétant. Toutefois, il ne faut pas trop se laisser aller à la joie : ils ne sont que 6 conseillers à prêter serment. Ils ont été appelés à veiller au renforcement du système judiciaire.

Le Premier Ministre Ariel Henry a annoncé parallèlement des dispositions pour améliorer les conditions de travail de tous les acteurs dans la chaîne pénale.

Bilan mitigé

Selon la bâtonnière de l’ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Marie Suzy Legros, le bilan de l’année judiciaire écoulée est mitigé. Elle exprime les raisons : grèves pendant tout le premier trimestre au sein de la structure à quelques jours de la reprise de travaux judiciaires, mise en retraite de trois juges à la cour après ‘l’épisode’ du coup d’État du 6 février 2021, l’État de siège décrété dans les environs du siège du palais de justice par le gouvernement le 16 mars 2021 etc.

Elle souligne aussi la mort qui hante le secteur et ses membres. Aussi, c’est au milieu de toute cette instabilité que le barreau a pu réaliser son maigre travail.  C’est ainsi qu’entre autres, la structure, pour l’année judiciaire 2020-2021, a reçu 384 cas, a enregistré 183 libérations, 8 condamnations et 193 dossiers en cours. De plus, 99 élèves avocats des promotions Georges Sylvain et Monferrier Dorval seraient, selon Me Marie Suzy Legros, admis en stage après le cycle de formation de l’école du barreau.

Mario Sylvain et Ketsia Sara DESPEIGNES

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