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Budget 2023-2024 : Le Pouvoir exécutif rafle la mise à hauteur de 96.4% de l’enveloppe totale

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Le 25e numéro spécial du Moniteur est paru le 29 septembre 2023, publiant le Décret établissant le budget général de la République d’Haïti pour l’exercice fiscal 2023-2024. Pour ce nouveau budget initial, l’enveloppe totale des recettes a cru de 19.9% par rapport à l’exercice précédent, passant de 267.5 milliards de gourdes à 320.645 milliards de gourdes. 96.4% du budget des dépenses est détenu par le Pouvoir exécutif, et 0.9% pour la justice.

Économiquement, le pays connaît une longue période de décroissance depuis maintenant plus de cinq ans. Malgré les efforts, les réformes et les politiques, la situation peine encore à s’améliorer et à se stabiliser. Une situation qui n’est pas ignorée du Gouvernement. En septembre 2023, le Ministère de l’Economie et des Finances a publié le « Rapport sur la mise en œuvre de la réforme des finances publiques de janvier à juin 2023 » de la Commission de réforme des finances publiques et de gouvernance économique (CRFP-GE). Selon ce rapport, aucun revirement de la situation ne peut être attendu quant aux chiffres finaux de l’exercice 2022-2023. L’Indicateur Conjoncturel d’Activité Économique (ICAE) de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI) a montré, pour les deux premiers trimestres de l’exercice 2022/23, « une tendance très nette à la décroissance de ce groupe de sous-secteurs comprenant l’agriculture, l’industrie manufacturière et le tourisme ».

« Pour Haïti, au contraire, l’environnement global s’est détérioré considérablement, avec des phénomènes naturels et d’ordre socio-politique négatifs et surtout une insécurité plus qu’alarmante se généralisant à l’échelle nationale et plus intensément dans les deux plus grands départements géographiques en même temps stratégiques du pays, soit : l’Ouest et l’Artibonite. Dans un tel contexte, l’économie haïtienne s’est retrouvée à contre-courant de la tendance internationale quasi-générale à la reprise », lit-on dans ce rapport.

Selon la CRFP-GE, le seul bon signe durant cet exercice, est l’amélioration de la situation des réserves nettes de change qui sont passées de 114 millions de dollars en octobre 2022 à 241 millions de dollars en décembre 2022 pour atteindre 480 millions au 31 mai 2023. Cependant, ce seul facteur ne suffit pas pour inverser la tendance, « les facteurs négatifs l’emportent sur les facteurs positifs ». Dans les perspectives de ce rapport pour le Budget 2023/24, le CRFP-GE a affirmé que les pouvoirs publics viseront une fois de plus la stabilité du cadre macro-économique, qui doit garantir notamment : « un taux de croissance positif du PIB de l’ordre de +0.7% ; un taux d’inflation de 16.2% : la stabilité de la monnaie nationale : et la création de conditions favorables à la rétention et à l’attraction des investissements privés, en chute libre depuis plusieurs années ».

Les prévisions de recettes

320 645 000 000 de gourdes, c’est l’enveloppe globale que le Gouvernement espère encaisser pendant l’exercice 2023-2024, une augmentation de 19.9% par rapport à l’année dernière. Les prévisions pour l’assiette fiscale, c’est-à-dire les impôts, droits et taxes, ainsi que les autres ressources domestiques à percevoir, sont estimées à 192 823 375 000 de gourdes, une amélioration de 17.5% par rapport à l’exercice précédent.

Les dons en appui budgétaire et en aide projet sont, quant à eux, estimés à « soixante-dix milliards six cent quatre-vingt-quatre millions huit cent soixante-huit mille huit cent cinquante et 00/100 de gourdes (HTG 70 684 868 850,00) ». Et « les produits du financement interne et externe sont estimés à cinquante-sept milliards cent trente-six millions six cent cinquante-six mille cent cinquante et 00/100 de gourdes (HTG 57 136 656 150,00) », lit-on dans le Décret de finance disponible sur le site du Ministère de l’Economie et des Finances.

Les prévisions de dépenses

Les crédits budgétaires de l’exercice 2023-2024 destinés aux dépenses de fonctionnement, incluant les dépenses courantes des institutions de l’administration d’État, les dépenses d’immobilisation et l’amortissement de la dette publique, sont fixés à 202.9 milliards de gourdes. Les crédits budgétaires de l’exercice 2023-2024 pour les dépenses de programmes et projets sont fixés à 117.745 milliards de gourdes.

Le budget des dépenses totales s’élève à 320 645 000 00 de gourdes, dont 162 234 719 314 en dépenses courantes. Dans les dépenses courantes, le fonctionnement de l’administration couvre une enveloppe de 153.2 milliards de gourdes, 82.28 milliards en salaires et traitements, 48.3 milliards en biens et services, 22.286 milliards en transferts et subventions. Les intérêts de la dette ont diminué de 53.4% par rapport à l’exercice précédent pour atteindre 2,88 milliards de gourdes. Parallèlement, les dépenses en capital sont de l’ordre de 158.41 milliards de gourdes, dont les programmes et projets cités plus haut, les dépenses en immobilisation, l’annulation de la dette FMI à 1.45 milliards de gourdes, le trésor public, les autres financements, les dons et emprunts et l’amortissement de la dette qui correspond lui à 37 432 619 412 gourdes.

Les chiffres sur les dépenses semblent suggérer que le Gouvernement prévoit d’organiser des élections, avec une enveloppe de 5.4 milliards de gourdes qui sont destinées aux élections et 750 millions en support aux partis politiques. Cependant, c’était également le cas des deux derniers décrets de finance, et aucun processus électoral n’a été enclenché.

Les crédits alloués à l’administration par entité

Comme d’habitude, le Pouvoir Exécutif occupe l’essentiel du budget de l’État. Pour ce nouvel exercice, c’est une enveloppe de 309 milliards de gourdes qui lui est destinée, soit 96.4% du total des dépenses. De cette enveloppe, la Primature reçoit 1.3%, la Présidence 0.5% (en absence d’un chef d’État !), le Ministère de la Planification et de la Coopération dirigé par l’ancien opposant et Sénateur Ricard Pierre en 2.8%, le Ministère de l’Economie et des Finances 6.1%. Le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural, ne reçoit que 2.9%, malgré le fait que plus de la moitié du pays fait face à une grave crise alimentaire.

De son côté, le Ministère des Travaux Publics, Transport et Communications détient la plus grande part, soit 13%, suivi par le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle à 10.3%, le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique à 10.1%, le Ministère des Affaires Sociales et du Travail 8.0%, et le Ministère de la Santé Publique et de la Population à 5.7%. Le Ministère du Commerce et de l’Industrie 0.8%, le Ministère de l’Environnement 0.9%, le Ministère du Tourisme 0.3%, le Ministère des Haïtiens Vivant à l’Etranger 0.1%, le Ministère des Affaires Etrangères 3.2%, le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales 2.9%, le Ministère de la Défense 1.1%, le Ministère de la Condition Féminine et aux Droits de la Femme 0.1%, le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique 0.4%, le Ministère des Cultes 0.1%, le Ministère de la Culture 0.8%, et enfin le Ministère de la Communication 0.2%.

Le Pouvoir législatif, vacant, obtient 1.2% du budget. Le Pouvoir judiciaire faisant face à de graves crises, et en période de grande insécurité civile qui paralyse tous les secteurs de la vie nationale, ne semble pas être une priorité du Gouvernement qui ne lui octroie qu’une infime part de 0.9%. Pour les organismes indépendants, l’Université d’Etat d’Haïti obtient une part équivalant à 0.6%, et l’Académie du créole Haïtien est loin en dessous de la barre des 0.1% (même pas calculée), avec 105.2 millions de gourdes. De leur côté, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif reçoit la part de 0.5%, le Conseil Electoral Provisoire 0.3%, et l’Office de Protection du Citoyen 0.1%.

La Police Nationale d’Haïti, elle, puise dans le budget du Ministère de la Justice et de la Sécurité publique, son organisme de tutelle. Elle a un budget de 27 413 794 196 gourdes, l’essentiel des 32.447 milliards de gourdes allouées au Ministère.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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