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Taux d’inflation élevé : Surveillance et régulation des prix, stimulation de la production locale, plaide l’économiste Guy Mary Hyppolite

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L’inflation augmente à un rythme effréné surtout dans le Grand Sud du pays. L’économiste Guy Mary Hyppolite, lors d’une interview accordée à Le Quotidien News le 12 avril 2024 déclare que l’État pourrait envisager plusieurs actions, en particulier, la surveillance et la régulation des prix, la stimulation de la production locale tout en investissant dans les infrastructures de transport et distribution pour faciliter, entre autres, le commerce des produits. Si rien n’est fait, le pays risque de plonger davantage dans l’instabilité sociale, la pauvreté accrue et le désinvestissement, à en croire M. Hyppolite.

Le Quotidien News (LQN) : Le pays est à l’agonie, et ce, depuis le 29 février 2024. Le pays meurt à petit feu. C’est le règne de l’anarchie. Du chaos. Les gangs armés s’en prennent à des infrastructures publiques. Ils attaquent, pillent et incendient certaines entreprises dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Aujourd’hui, la situation économique du pays est critique. Selon l’IHSI, le niveau général de l’IPC qui se chiffrait à 362.5 en janvier 2024 est passé 373.6 en février, soit une variation mensuelle de 3.1% et une hausse ou inflation annuelle, c’est-à-dire par rapport à février 2023, de 23%. Dans le contexte actuel, que peut-on faire pour redresser l’économie du pays ? Quelles sont les mesures qui doivent être prises à cet effet ?

Guy Mary Hyppolite (G.M.H) : Il est crucial de prioriser les actions en fonction de la gravité de la situation. Voici quelques mesures plus spécifiques qui pourraient être prises :

a) Sécurité et maintien de l’ordre : La priorité absolue est de restaurer la sécurité dans les zones les plus touchées. Cela nécessite une action rapide et coordonnée des forces de sécurité pour mettre fin aux violences et aux pillages.

b) Stabilisation des prix : Étant donné la forte inflation, des mesures doivent être prises pour stabiliser les prix des biens de première nécessité. Cela peut inclure des contrôles de prix temporaires, des subventions pour les denrées alimentaires de base et des efforts pour augmenter la production locale.

c) Aide humanitaire : Il est essentiel de fournir une assistance immédiate aux populations les plus vulnérables affectées par la crise. Cela peut inclure la distribution de nourriture, d’eau potable, de médicaments et d’autres fournitures essentielles. Même si c’est une politique que je ne vois pas d’un bon œil. L’aide humanitaire ne favorise pas le développement à long terme.

d) Renforcement de la gouvernance : Des réformes gouvernementales sont nécessaires pour lutter contre la corruption et améliorer la transparence dans la gestion des ressources publiques. Cela contribuera à restaurer la confiance des citoyens et des investisseurs.

e) Partenariats internationaux : Le pays peut solliciter l’aide et le soutien de la communauté internationale pour faire face à la crise. Cela peut se faire à travers des investissements économiques (investissements directement étrangers “IDE”, avec des coopérations sud-sud, la recherche d’autres partenaires comme les pays africains et aussi la République populaire de Chine) et de soutien à la sécurité. En concentrant les efforts sur ces domaines clés, le pays peut commencer à stabiliser la situation et poser les bases d’une reprise économique durable.

LQN :   Par ailleurs, le taux de l’inflation ne cesse d’augmenter particulièrement dans le Grand Sud du pays. Eu égard à cela, deux questions s’imposent : 1)  Comment l’État peut-il améliorer cette situation ? 2) Si rien n’est fait, à quoi peut-on s’attendre ?

G.M.H : 1) Pour améliorer la situation de l’inflation, en particulier dans le Grand Sud du pays, l’État pourrait envisager plusieurs actions :

a) Surveillance et régulation des prix : Renforcer la surveillance des prix des biens de première nécessité et mettre en place des mécanismes de régulation pour empêcher les hausses excessives.

b) Stimulation de la production locale : Encourager la production agricole et industrielle dans la région afin de réduire la dépendance aux importations et stabiliser l’offre de produits locaux.

 c) Investissements dans les infrastructures : Améliorer les infrastructures de transport et de distribution pour faciliter le commerce des produits et réduire les coûts logistiques, ce qui peut contribuer à stabiliser les prix.

2) Si aucune action n’est entreprise pour inverser la tendance à l’augmentation de l’inflation, plusieurs conséquences négatives peuvent survenir :

a)Pauvreté accrue : Les ménages à faible revenu seront les plus durement touchés par l’augmentation des prix, ce qui risque d’entraîner une augmentation de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire.

b)Instabilité sociale : L’augmentation des prix peut entraîner des manifestations et des troubles sociaux, surtout dans les régions les plus touchées, ce qui pourrait aggraver la situation sécuritaire et politique.

c) Désinvestissement : Les entreprises pourraient être découragées d’investir dans la région en raison de l’incertitude économique, ce qui pourrait ralentir la croissance économique et aggraver la situation. Il est donc impératif que des mesures soient prises rapidement pour inverser cette tendance et atténuer les effets négatifs sur la population et l’économie de la région.

LQN : Dans quelle mesure pensez-vous que le FMI pourrait nous aider dans cette situation chaotique dans laquelle on se trouve ?

G.M.H : Voici comment le FMI pourrait aider : a) Assistance financière : Le FMI peut fournir des prêts d’urgence ou des programmes de financement pour aider le pays à faire face à ses besoins financiers immédiats, comme le paiement des dettes ou le financement des dépenses publiques essentielles.

b) Conseils politiques : Le FMI peut offrir des conseils et une expertise en matière de politique économique pour aider le gouvernement à formuler et mettre en œuvre des politiques visant à stabiliser l’économie, réduire l’inflation et restaurer la confiance des investisseurs.

c) Surveillance économique : Le FMI peut fournir une évaluation indépendante de la situation économique du pays, ce qui peut aider à identifier les problèmes et les domaines prioritaires d’intervention.

d) Réformes structurelles : Le FMI peut encourager le pays à entreprendre des réformes structurelles pour renforcer son économie à long terme, telles que des réformes fiscales, des mesures de lutte contre la corruption et des réformes du secteur financier. Cependant, il est important de noter que l’assistance du FMI est souvent conditionnée à la mise en œuvre de politiques économiques et fiscales spécifiques, ce qui peut parfois être perçu comme contraignant. Il est donc essentiel que le gouvernement pèse soigneusement les avantages et les inconvénients de demander une assistance au FMI et qu’il veille à ce que les politiques proposées soient adaptées aux besoins et aux priorités du pays.

LQN : Depuis 29 février à date, les bureaux des institutions publiques sont fermées (région métropolitaine de Port-au-Prince). Les douanes ne fonctionnent plus. Comment comprenez-vous cela? Quelle conséquence cela peut-il avoir sur le pays ?

G.M.H : La fermeture des bureaux des institutions publiques et l’arrêt du fonctionnement des douanes depuis le 29 février 2024 jusqu’à aujourd’hui sont des symptômes alarmants d’une crise institutionnelle majeure. Cette situation peut avoir de graves conséquences sur le pays :

a) Effondrement de l’administration publique : La fermeture des bureaux des institutions publiques signifie probablement un arrêt complet des services gouvernementaux, ce qui entraîne une paralysie de l’administration. Cela peut affecter la prestation de services essentiels tels que la santé, l’éducation, et les services sociaux. (On peut prendre comme exemple l’hôpital général au bas de la ville de Port-au-Prince qui ne fonctionne pas depuis plusieurs jours, l’APN.)

b) Perturbation du commerce et de l’économie : L’arrêt du fonctionnement des douanes signifie qu’il n’y a pas de contrôle sur les flux de marchandises entrant et sortant du pays. Cela peut entraîner des retards dans les importations et les exportations, des pénuries de produits essentiels, et une augmentation des prix. L’économie du pays peut en souffrir gravement, avec un impact sur les entreprises, les emplois et le niveau de vie des citoyens.

c) Perte de revenus pour l’État : Les douanes constituent une source importante de revenus pour l’État à travers les taxes et les droits de douane. L’arrêt de leur fonctionnement entraîne une perte de ces revenus, ce qui peut compromettre la capacité du gouvernement à financer ses dépenses publiques, y compris les salaires des fonctionnaires et les services sociaux.

En somme, la fermeture des institutions publiques et l’arrêt du fonctionnement des douanes représentent une crise profonde qui menace le fonctionnement même de l’État et le bien-être de sa population. Il est impératif que des mesures urgentes soient prises pour restaurer le fonctionnement des institutions et relancer l’économie du pays.

Propos recueillis par :

Jackson Junior RINVIL

rjacksonjunior@yahoo.fr

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