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En Haïti, l’agriculture est largement exposée au changement climatique

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Le changement climatique a commencé. En Haïti, comme dans beaucoup d’autres pays, ses effets se font de plus en plus ressentir. Alors que les capacités de résilience du pays face aux modifications climatiques sont au plus bas, l’agriculture connaît d’importants bouleversements. Pour des chercheurs de l’Université Quisqueya et certaines organisations, il faut faire de l’adaptation au changement climatique, la base de toute aide internationale à apporter en Haïti…

En août dernier, une nouvelle fiche de communication de la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA) sur la classification de l’insécurité alimentaire aiguë a estimé à environ 2,95 millions le nombre de personnes en situation de crise alimentaire, et à 1,4 million le nombre de personnes en situation d’urgence alimentaire. Une situation qui, selon les données de la CNSA, risque de s’aggraver d’ici février 2024. « Par ailleurs, 31% (environ 3,03 millions de personnes) sont susceptibles de se trouver en phase 3 de l’IPC (Crise), portant à 45% le pourcentage de la population ayant besoin d’une action urgente sur cette période. Sur la période actuelle (août 2023 – février 2024), parmi les 32 zones analysées, cinq affichent un niveau d’insécurité alimentaire d’urgence (phase 4 de l’IPC) » peut-on lire dans la fiche de communication de la CNSA.

Aujourd’hui, l’Insécurité alimentaire s’aggrave de plus en plus avec le réchauffement climatique. Ce 4 octobre, selon un reportage de Radio France Internationale, « Haïti a besoin d’aide face au dérèglement climatique », des chercheurs de l’Université Quisqueya à Port-au-Prince ont insisté pour la mise en place de programmes sur l’adaptation au réchauffement climatique dans les politiques publiques. Selon eux, « les effets du changement climatique et leurs impacts alimentent directement l’insécurité des Haïtiens et ceci de multiples façons », raison pour laquelle ils préconisent que les missions internationales d’accompagnement soient axées principalement autour de la lutte contre les effets du réchauffement climatique.

En effet, avec les modifications climatiques, les retards d’équipements auxquels font face les paysans haïtiens, qui utilisent pour la plupart des méthodes traditionnelles, rendent la situation encore plus difficile et incertaine. Au mois de juin 2023, les inondations et glissements de terrain ont touché pas moins de 37 000 Haïtiens, et certaines cultures ont parallèlement péri en raison du manque d’eau. Le Professeur Evens Emmanuel qui dirige une équipe de recherches de l’Université Quisqueya sur le changement climatique, une entité qui existe depuis 2019, explique ce phénomène de la manière suivante : « Nous recevons la même quantité d’eau, mais sur une courte période, provoquant ainsi des inondations et la période de sécheresse est beaucoup plus longue».

« Avec les pertes des récoltes dues aux modifications des saisons des pluies, le paysan qui détient une connaissance ancestrale, transmise oralement de génération en génération sur les périodes d’ensemencement, perd le contrôle de cette situation. Et finalement, perd et les semences, et son investissement en termes de temps, et se retrouve appauvri avec pour conséquence de devoir quitter sa zone de travail pour aller dans une ville, et créer ainsi de nouveaux quartiers précaires. Cela va conduire au renforcement des bidonvilles », a ajouté Evens Emmanuel.

Les paysans face au désespoir

St Jean Bien-Aimé, dans le reportage de RFI, est riziculteur dans la plaine des Gonaïves. Ses champs, qui étaient autrefois verdoyants, sont aujourd’hui transformés en un vaste terrain aride. Pour lui, tout est fini, la situation l’accule à la faillite. « Pour nous c’est fini ici, l’agriculture était notre seul espoir, mais la pluie ne tombe plus et il n’y a plus d’eau. Et tous les prêts que j’ai contractés pour travailler, je ne sais pas si je pourrai les rembourser », a-t-il déclaré au micro du media français sur place.

« Cette terre était couverte de riz jusqu’à cette maison là-bas. Tout a été détruit par ce qu’il n’y a plus d’eau. Vous voyez la chèvre là-bas ? C’est ce canal qui alimentait nos terres, mais comme il est à sec depuis des années, nous avons perdu toutes nos rizières. Je ne sais pas quoi faire. Et vous voyez ces pieds de maïs là-bas ? C’est une femme qui les a plantés,  elle va chercher de l’eau sur sa tête pour les arroser », explique St Jean Bien-Aimé.

Pourtant, il n’est pas le seul à faire face à cette situation dans le pays. En plus des pertes dues au changement climatique, les paysans haïtiens doivent aussi faire face aux gangs armés qui imposent leur blocus sur les principales routes du pays, en plus de la concurrence des produits d’importation. Pour les chercheurs de l’Université Quisqueya, mais aussi pour les ONG travaillant dans le secteur, il faut faire de l’adaptation au changement climatique « la base de toute aide internationale à apporter en Haïti, et  placer la sécurité climatique, ainsi que la protection et la restauration de l’environnement au centre de toutes les décisions économiques, politiques et sociales en Haïti ».

Clovesky A.-G. PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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