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Le harcèlement sexuel, la loi haïtienne serait-elle complice ?

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Beaucoup se sentent libres d’avoir recours à des propos à connotation sexuelle ou d’afficher des comportements inappropriés à tendance sexuelle. Cette pratique au sein de la société concerne aussi bien le parfait inconnu que les intimes. Pourtant, la loi haïtienne ne dit pas grand-chose sur ce phénomène qu’est en réalité le harcèlement.

Le harcèlement sexuel est, selon le Code Pénal français, défini comme étant le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Il continue pour dire que le fait, même non répété, d’utiliser une forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, qu’elle soit au profit de l’auteur ou d’une autre personne, est assimilé au viol. Ces mêmes faits cités par le Code Pénal français ont lieu sur le sol haïtien. Pourtant, nombreux sont ceux qui ne savent pas réellement tout ce que peut englober l’expression « harcèlement sexuel ». « Mes amis n’hésitaient pas avant à me lancer des commentaires à caractère sexuel sur mes fesses et ils s’étonnaient quand je leur disais qu’il s’agit de harcèlement », raconte Naïka, une jeune étudiante.

Si beaucoup se sentent inconfortables du fait de ces agissements, il faut dire que la loi haïtienne ne les aide pas beaucoup, parce qu’elle ne se prononce pas vraiment. En effet, selon Jeffnie Jean-Louis, la coordonnatrice de Dwa pou m Konn Dwa m (DKD), la loi ne n’oppose pas vraiment de barrières à ce phénomène qui n’est d’ailleurs pas défini dans le Code Pénal. Le harcèlement sexuel n’est condamné que dans le milieu professionnel et cela est dû uniquement au fait qu’Haïti ait signé la Convention #111 de l’Organisation Internationale du travail (OIT) condamnant la discrimination dans les milieux professionnels. En ce qui concerne les autres champs d’application, rien n’est dit jusqu’à présent.

Ce silence du côté de la loi pousse souvent les victimes à ne pas entreprendre de poursuites judiciaires. D’abord parce que beaucoup pensent que, sans attouchements, il n’y a pas lieu de parler de harcèlement sexuel. Ensuite parce qu’il n’y a pas vraiment une structure judiciaire appropriée pour cela. « D’après le principe de la légalité des délits et des peines, il ne peut y avoir de délit ou de peine sans qu’une loi ne les prévoie. Ainsi, on ne peut pas espérer punir légalement un coupable de harcèlement sexuel », déclare Jeffnie Jean-Louis. Et puisque la loi n’en parle pas, il est impossible de condamner quelqu’un qui commet le harcèlement si d’autres facteurs ne sont pas invoqués.

Toutefois, la coordonnatrice de DKD affirme que le domaine civil, parce qu’il est un peu plus large, offre la possibilité d’attaquer la responsabilité civile de la personne en question si elle se rend coupable d’un fait causant préjudice à la victime. Ainsi, dans le cas du harcèlement sexuel qui est sujet à causer des préjudices moraux comme l’angoisse, la victime peut se fonder sur l’article 1168 du Code Civil et demander réparation pour ce dommage causé.

Cette possibilité offerte par le Code Civil n’est pas vraiment une solution puisqu’il n’est pas vraiment question de harcèlement sexuel et que ce dernier n’est concerné que si la victime est atteinte à un degré tel qu’il est possible de prouver que cela lui a occasionné des dommages. Ce n’est qu’une plus grande liberté offerte par le domaine civil. D’autant plus que s’il n’est pas interdit par des mécanismes pénaux, les dommages et intérêts exigés par le Code Civil ne dérangeraient pas assez ceux qui n’ont pas de problèmes d’argent.

Et puisque les cas de harcèlement sexuel sont nombreux su sein de la société, il faudrait une loi qui pousserait les gens à réfléchir plusieurs fois avant de se mettre dans la position du harceleur. Il n’y a actuellement que le nouveau Code Pénal qui intègre le harcèlement sexuel et les sanctions qui y correspondent. Toutefois, il faudra attendre encore deux ans avant de voir entrer en vigueur ce nouveau Code Pénal et apporter un frein à ce phénomène qui ne manque pas de prendre de l’ampleur en Haïti.

Ketsia Sara Despeignes

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