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Les Hollywoodiens de Port-au-Prince!

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Ce qui se passe dans le pays depuis maintenant 29 mois est assimilable à un long métrage hollywoodien. À la différence de ce qui se fait dans les salles d’Hollywood, les scènes sont réelles en Haïti. Nous vivons en direct les actions. On passe de la fiction d’Hollywood visionnée depuis notre petit écran à la réalité dans laquelle on est acteur. Si, en termes de mise en scène, les pratiques divergent, au niveau de la conception c’est du blanc bonnet et bonnet blanc.

En ce qui a trait à la criminalité, aux coups bas, aux jeux de rôle, aux films d’horreurs, plus besoin d’aller au cinéma. Les films d’action se déroulent gratuitement et systématiquement dans les rues de Port-au-Prince et de certaines villes de province. Des films, qu’autrefois on évitait de montrer aux enfants, sont vécus en réalité sur le chemin de leurs écoles, de leurs églises, dans leurs quartiers, entre autres, au quotidien.  Des enfants de bas-âge esquivent des corps sans vie, observent des cadavres en décomposition, s’habituent au fait de voir des dépouilles dévorées par des chiens ou des porcs en pleine rue. Dans ce film d’horreur et cauchemardesque conçu et toléré par nos élites, on n’a malheureusement pas d’armes factices ni d’appareils prédisposés pour représenter les images. Tout se fait en temps réel.

Si dans les grands studios cinématographiques les acteurs sont payés pour performer, tel n’est pas le cas en Haïti. Nous sommes forcés de participer malgré nous. On est dans une sorte de cercle vicieux. Sur ce plateau, les balles sont réelles, les kidnappings sont authentiques, les lynchages ne sont pas imaginaires. Le dépeuplement des quartiers n’est pas fictif. La seule chose qui est peut-être fausse dans cette réalité, c’est la réponse gouvernementale. Le feedback qui fait croire que les autorités ont tout essayé vainement. Qu’elles sont impuissantes. C’est l’attitude des élites qui font semblant d’ignorer ce qui est en train de se passer. Ce qui est authentique, c’est le fait de laisser volontairement les gangs étendre leurs tentacules et par la suite faire du cosmétique.

Dans le cas haïtien, nous incendions des blindés réellement pour satisfaire des agendas politiques. Nous essayons de donner le sentiment que nous sommes maîtres de nous-mêmes. On planifie tout  en coulisse, conçoit les scènes, dicte les actions à faire de A à Z. Nous abandonnons les commissariats et sous-commissariats aux bandits. En réaction, nous disons que nous n’y pouvons rien. Nous livrons des communes et des zones aux gangs comme si nous ne pouvions pas anticiper leur venue. Nous simulons des rencontres et des négociations pour la consommation médiatique. Nous n’arrêtons pas de penser la crise derrière nos bureaux, dans les salles luxueuses des hôtels et nous faisons croire que nous avons la main pure comme Ponce Pilate.

Comment expliquer que des blindés de la PNH soient si facilement incendiés ?  Pourquoi aucune mesure n’ait jamais été prise pour anticiper la perte des territoires ? Si la Police était réellement incapable d’empêcher les bandits de prendre en otage une zone, comment espère-t-elle les en chasser ? Est-il donc plus facile de repousser les bandits une fois qu’ils ont occupé une zone plutôt que de la sécuriser au préalable pour anticiper le coup ? Paradoxal !

Les autorités ont bien joué leur rôle. Les élites également. Toutefois, il y a des failles qui passent dans la conception des histoires et le montage des scènes. Multipliez les ventes aux enchères dans les tribunaux. Continuez de laisser entrer les armes et les munitions dans les bases sans aucune contrainte. Mais, sachez une chose : ce qui se fait à Hollywood n’est que pure imagination.

Daniel SÉVÈRE

danielsevere1984@gmail.com   

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