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« Sister M surnage dans le bassin de la passion »

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Myria Charles, la remarquable Sister M, est une voix dont se souviendront plusieurs générations d’Haïtiens, d’abord grâce à son timbre de voix à nul autre pareil, mais également grâce à ce qu’elle apporte dans le milieu des arts en Haïti. Chanteuse, comédienne, actrice et écrivaine, Mme Charles surnage à son âge dans le bassin de la passion.

À entendre la voix de Myria Charles à la radio, on prend la liberté de l’imaginer comme une géante dotée d’une imposante carrure. Et quand elle apparaît avec un dumbell dans une publicité aux côtés de Mikaben et T-jo Zénith, plus d’un est ébahi effectivement par son physique imposant, qui s’accorde plutôt bien à son timbre vocal de contralto. « Certains vont dire que j’ai une voix d’homme. Mais non, c’est de préférence une voix de contralto, très grave, vraiment rare chez les femmes », s’empresse-t-elle de clarifier avec un rire éclatant. Mais sa plus grande qualité s’exprime dans son large et rayonnant sourire aussi passionnant qu’un soleil d’été qui anime le jour. « Je prends plaisir à vivre en riant, à m’amuser et à rendre le sourire aux gens qui me côtoient. Et en retour, cela me procure beaucoup de bien », confie la grande Sister M qui n’hésite jamais à mettre à nu son grand cœur ou son amour pour la vie.

Benjamine d’une famille chrétienne de quatre enfants, Myria Charles voit le jour à Belladère le 21 juillet 1965. À Baptiste (une petite localité) où elle évolue, elle se plaît à découvrir l’immensité et la splendeur de la nature. « J’ai grandi à la campagne, avec la verdure aux alentours, la fraîcheur de la rivière, dans un environnement sain. C’était ça l’ambiance à la campagne, la nature, la bonne humeur », se rappelle Sister M, fille d’un notable de la ville. Elle grandit en fait dans une ambiance chaleureuse où l’hyperactivité des ados a le droit de cité. Dans une pareille atmosphère, tous les soirs dans la contrée, elle s’amuse avec les autres de son âge en entonnant des chants, en jouant aux jeux de société et en racontant des blagues hilarantes. Tout cela se trame autour d’un boucan qu’on allume pour se protéger du froid, à en croire la grande dame.

Les premières graines d’une grande carrière artistique

À Sainte Trinité, où elle fait ses études primaires, elle va cultiver sa passion pour la musique. À vrai dire, si l’on s’en tient à ses mots, Myria grandit avec la musique dans ses gènes. « On a grandi dans une famille chrétienne qui s’intéresse notamment aux chants. Nous autres, enfants, nous prenions plaisir à chanter et à jouer quelques instruments. Tout ça pour vous dire qu’on a grandi avec la musique. Donc à Sainte Trinité, on allait se perfectionner ou apprendre davantage sur ce qu’on savait déjà », précise la contrebassiste de l’Orchestre Philharmonique de Sainte Trinité. Par son timbre de voix rarissime, elle séduit les fins connaisseurs de musique de son milieu et arrive à se rendre à Boston pour affiner davantage son talent. C’est ainsi que la vedette du groupe le Petit Chœur des jeunes de la Première Église Baptiste de Port-au-Prince, a semé les graines d’une belle carrière artistique.

Pendant qu’elle s’adonne à sa passion pour la musique, Sister M continue ses études secondaires au Collège Saint Pierre. Par la suite, elle rejoint l’Université Quisqueya pour étudier la Gestion. Elle suit par ailleurs un cursus en Secrétariat bilingue et business administration.

Son brillant parcours dans le milieu de la musique

Myria détient un don extraordinaire qui laisse sans voix ses auditeurs. On parle de sa voix grave qui la rend si différente des autres. « J’ai été immédiatement remarquée grâce à ma voix. Car il est rare de voir une femme dans ce registre », avance Myria Charles qui va intégrer très tôt le groupe le Petit Chœur des jeunes de la Première Eglise Baptiste de Port-au-Prince, avant d’en être la conductrice principale durant plus de vingt ans.

Avec quelques membres de sa famille et quelques amis talentueux, elle met sur pied Les Mélophiles, un groupe musical. Elle n’a alors que 13 ans. « À l’époque, on faisait quelque chose d’extraordinaire. J’ai connu beaucoup de succès avec ce groupe dans les 78 », se remémore Myria, qui a également connu des moments glorieux avec les Étincelles de l’Évangile et le groupe Zetwal. « Bon ! J’ai toujours été dans des groupes à succès », se targue-t-elle avec beaucoup d’humour.

Sa virtuosité lui permettra d’orienter des jeunes à son tour, de les guider comme conductrice de chant, ou d’évaluer leur talent à plusieurs concours comme à Mwen renmen Ayiti. « Mwen renmen Ayiti est l’une de mes premières expériences comme membre de jury. C’était un événement magnifique qui m’a énormément marqué », confie Myria Charles, qui était à cette époque la plus jeune parmi les membres du Jury de la deuxième édition de ce concours organisé par l’American Airlines.

Elle se souvient également de son parcours à Star Max, ce fameux concours de Télémax. « C’était une expérience assez marquante  parce que ce n’était pas un concours comme les autres ou l’on ne fait que juger les jeunes. À Star Max, on a pu participer à la formation des postulants en ce qui concerne leur technique vocale, leur gestion de la scène, entre autres », précise l’exigeante Sister M, qui fait montre d’une certaine rigueur tout en faisant ressortir le meilleur chez ces jeunes talents.

Entre la musique et la comédie

Myria Charles est à l’aise sur scène comme chanteuse et à la fois comme comédienne. Comme pour la musique, tout remonte à son enfance. Car, elle enchaînait des petits sketchs rien que pour amuser la galerie. Une habitude qui a suivi son train à Sainte Trinité où elle jouait dans quasiment toutes les pièces.

« C’est ainsi que j’ai éprouvé un certain intérêt pour le théâtre. Cette passion m’a permis de performer sous la direction de grands metteurs en scène comme Syto Cavé, Bertrand Lamarre et Florence Jean Louis Dupuy », affirme la comédienne.

En effet, Myria participe au projet de Syto Cavé qui consiste à rendre hommage au mémorable Jacques Stéphen Alexis. En 2009, elle rejoint l’équipe de Bertrand Lamarre, le metteur en scène de « Haïti en scène », qui rend un vibrant hommage au roi de la Pop, Mickael Jackson, à peine décédé.

Myria Charles profitera de son sens de l’humour affirmé pour sauver la mise à une animatrice, lors d’un show auquel assistait Florence Jean Louis Dupuy, une metteuse en scène très connue dans le milieu de la scène. « De là où j’étais, j’ai vu que la jeune femme n’était pas à son aise et avait du mal à mettre les spectateurs dans  le bain. Du coup, je me suis présentée sur scène pour lui prêter main forte en faisant rire les gens, sans que ces derniers ne s’en rendent compte, raconte Myria sur sa rencontre avec Florence. Après le show, Florence, consciente que ce que j’avais fait n’était pas du tout planifié, s’est tout de suite adressée à moi en me félicitant. On a échangé nos coordonnées par la suite », poursuit Myria qui, sous la direction de Florence, va faire ses premiers pas sur scène comme Stand’Up Lady. « C’était en réalité la première fois en Haïti qu’un groupe de femmes allaient faire du Stand’Up. J’étais heureuse d’en faire partie », avance l’humoriste de Stand’Up ladies, Myria Charles.

Une plume correctrice des mœurs très plaisante

« Je suis naturellement curieuse. J’aime observer les gens, ce qu’ils font, les événements dans les alentours. C’est ainsi que j’ai été amenée à capter des images de faits insolites qui se passaient dans la rue, que je diffusais sous le nom de Foto Lari a, des images qui retenaient l’attention des gens », raconte Myria, qui éprouve une certaine passion pour la lecture et l’écriture.

Suite à ses publications, Sister M intégrera la rédaction de Ticket Magazine dans un premier temps, avant de prêter sa plume au plus vieux quotidien d’Haïti, à savoir Le Nouvelliste. « Le but de la rubrique, « De vous à moi », consistait à corriger les mœurs de la société avec une pointe d’humour », précise-t-elle. Des textes hilarants dont la compilation fera un carton comme best-seller à Livres en folie en 2013 et 2014.

Du haut de sa cinquantaine, Myria Charles se regarde dans le ruisseau avec un sourire exprimant une grande satisfaction. « Je me sens vraiment heureuse quand je vais me coucher en sachant que j’ai réussi ma journée en accomplissant tout ce que j’ai prévu de faire. C’est ce qui fait ma joie, le sentiment d’avoir tout accompli », renchérit Myria qui aurait souhaité que ses deux enfants suivent ses pas. « En tant que mère, j’aurais voulu qu’ils parachèvent ce que j’ai accompli, qu’ils suivent mes traces. Mais ils ont fait leur chemin. L’essentiel toutefois c’est qu’ils soient heureux et qu’ils soient fiers de leur mère », témoigne la star de 56 ans qui ne cache pas sa fierté d’avoir bien élevé ses bijoux.

Sister M est en outre ce papillon avec amour qui survole les champs de l’art que ce soit comme musicienne, écrivaine ou comme comédienne. Elle incarne ainsi la passion. « Je n’ai pas de passion moi, je suis la passion », se targue l’artiste, Myria Charles, qui continue à s’éclater, à profiter de la vie toujours avec son sourire rayonnant, semant partout le bonheur sur son chemin.

Statler LUCZAMA

Luczstadler96@gmail.com

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