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Depuis la chute des Duvalier, Haïti a adopté une nouvelle forme de gouvernance. La démocratie représentative. Le pouvoir du peuple est sensé être délégué à des représentants pour diriger la nation. Conduire le pays vers la voie de la stabilité, du progrès et du développement.

Le peuple est souverain. Il fait choix de ses représentants à travers les urnes. Cette forme de démocratie lui donne également les moyens de censurer ses représentants en cas de déception.  La manifestation populaire en est un.

Depuis 1986, cette forme de protestation devient une arme de prédilection pour les politiciens afin de favoriser l’instabilité dans le pays. On enregistre très peu d’élections dans l’intervalle, mais des manifestations à n’en point finir. Les politiciens changent de rôle. Ils ne sont là que pour appeler la population à investir le macadam. Pour les inciter à la violence. Ils ne s’intéressent guère à la construction de bons plans de développement. À la structuration des partis politiques. Encore moins à participer aux élections. Ils prétendent à tout bout de champ que les conditions ne sont jamais réunies. Comme si elles allaient pouvoir être réunies d’elles-mêmes. En conséquence, 36 ans après, la nation est encore sur la chaussée pour réclamer le minimum. Le droit à la vie.

Il y a maintenant trois semaines que la population proteste dans presque toutes les grandes villes du pays. On pleure déjà plus d’une dizaine de morts sans compter les blessés. Des hommes politiques, inconscients de la situation, essaient d’en tirer profit pour lancer leur campagne en sourdine. La manifestation constitue leur projet de développement. Ce projet qui n’a jamais porté de fruit depuis plus de trente ans.

C’est logique que nous soyons, deux cent dix-huit ans après notre indépendance, la risée du monde entier. C’est insensé que nous continuions à vandaliser, incendier, tuer, blesser, couper des routes, massacrer des civils, à nous s’acharner sur tout, pour pouvoir mettre la main à la bouche. C’est normal que 5.6 millions des nôtres soient dans l’insécurité alimentaire. Que des gangs nous empêchent de circuler. Que nous soyons obligés de consentir des sacrifices pour libérer nos proches. Que la justice soit réduite à sa plus simple expression. Que la Constitution soit mise de côté. Que l’inflation puisse atteindre un si haut niveau. Que les produits pétroliers soient devenus un luxe. Que plusieurs de nos quartiers de référence soient inhabités et transformés en cachette pour bandits. Que Port-au-Prince soit transformé en une porcherie, etc.

À l’époque des Duvalier, nous avons connu le phénomène de la « fuite des cerveaux ». En 2022, nous pourchassons sans distinctions toutes les classes sociales. Les familles s’endettent pour aider leurs proches à quitter clandestinement le pays. Nous sommes des indésirables dans la région. En République Dominicaine, on interdit à un ancien Premier Ministre haïtien de fouler le sol. Les Haïtiens qui s’y trouvent ont la vie dure et font l’objet de tracasseries incessantes. Les désespérés qui cherchent à joindre les côtes américaines illégalement sont refoulés. Que faire ? Quelle issue possible? Plus d’un parle de « dialogue ». Mais, quel dialogue et pour quel résultat ? Qui doit prendre part à ces échanges ? Quels seront les termes de références ?

L’important, c’est de mettre fin aux démagogies. Aux dénonciations. Aux coups bas. Aux mesquineries. Arrêtez de penser aux coups d’État. À des transitions interminables. À des compromissions incessantes. La démocratie se fonde sur les élections et la loi. Le pouvoir est donné par le peuple en fonction de son adhésion aux projets qui lui sont présentés. Cessez d’être des experts en manifestations. Nous avons trop d’urgences à traiter. Ce qui est en train de nous arriver, n’est pas une sentence de la Providence mais la simple conséquence de nos actes.

La population se fait tuer dans des manifestations, des leaders se lancent dans des campagnes de charme. Les produits pétroliers ne sont plus disponibles dans de nombreuses villes de province, le Premier Ministre se prépare à revoir les prix à la hausse. Nos folies sont énormes, comme est grande notre misère. Ni le départ d’Ariel, ni le dialogue de sourds, ni les jeux diplomatiques de la communauté internationale, ni les manifestations sans répit ne vont apporter quelque chose de positif à la résolution de la crise si nos leaders n’arrivent pas à comprendre que notre mal est lié à un manque de vision, de projets et de conscience. Continuez ainsi à perdre du temps. Prenez vos aises dans vos fauteuils. Donnez-vous l’illusion que vous avez toujours raison. L’avenir finira par dire le reste !

Daniel SÉVÈRE

danielsevere1984@gmail.com

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