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Comment éliminer la violence faite aux femmes ?

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L’article 1 de la Convention Pelem dò Para définit la violence faite aux femmes en ces termes  « La violence à l’égard des femmes désignetout acte dirigé contre le sexe féminin, causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée[1] ». Elle recouvre plusieurs formes: physique et/ou sexuelle, verbale et/ou psychologique, trafic illicite d’êtres humains, mariage forcé, mutilation génitale féminine et les violences subtiles, qui ne disent pas leur nom et qui minent l’émancipation de la femme.

Aujourd’hui des milliers de femmes se font  agresser et assassiner à travers le monde. L’ONU Femme estime qu’en moyenne 35% des femmes ont été victimes « de violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime »[2] ou d’une autre personne. En 2017, le nombre de feminicides était chiffré à 87 000. 

Il est clair que la violence faite aux femmes devient une problématique urgente à résoudre. Mais pour comprendre un tel phénomène et proposer des solutions adéquates, il convient d’abord d’essayer d’analyser ses principales causes.

Violence et patriarcat

La violence faite aux femmes ne se dévoile  pas toujours dans l’utilisation de la force physique pour soumettre une femme, elle s’insinue également dans des modes d’expression collective plus subtils et plus insidieux. Elle se fait parole pour culpabiliser, stigmatiser, exploiter et exclure. Fort souvent, cette forme de violence s’exerce de telle sorte qu’elle représente quelque chose de normal pour la victime.

C’est en ce sens que Bourdieu affirme que la « domination masculine » est l’effet par excellence « de la violence symbolique » qui se fait « douce, insensible, voire même invisible pour ses victimes »[3]. Nacira Guénif-Souilamas et Eric Macé soulignent, quant à eux, que « le sexisme est structurel et ancré jusque dans les subjectivités »[4]

Est-ce dire que la violence faite aux femmes est conséquence spontanée du patriarcat? Considérant la situation actuelle des femmes peut-on, un jour, espérer l’éradication de la violence faite aux femmes ? Si oui, comment pourrait-on y parvenir ? 

La place des organisations féministes dans la lutte contre la violence faite aux femmes

Le féminisme est vu comme « l’ensemble des mouvements philosophiques tendant à définir, promouvoir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, sociale et juridique entre les hommes et les femmes »[5].  Certains auteurs considèrent que le mouvement féministe a réellement débuté en Haïti en 1934 avec la création de la Ligue féminine d’action sociale. Depuis luttes et victoires se sont enchaînées pour aboutir à des résultats en soi subversifs, comme le droit de se porter candidate aux élections, le droit de vote et le décret du 8 octobre 1982 relatif à l’émancipation de la femme.  Malgré ces progrès résultant des luttes pour les droits des femmes, de nombreux pas restent encore à faire En ce sens, la question se pose  d’elle-même : quel mécanisme mettre en place pour arriver à l’élimination de la violence faite aux femmes ?

La contribution du droit

Les LOIS qui garantissent les droits des femmes sont aussi nombreuses que variées. Et dans cette variété de normes figurent en tout premier lieu la Déclaration des Droits de l’Homme, qui se sont imposés comme étant inaliénables et à tendance universalisable[6]. Ces règles visent à garantir les droits de tous les citoyens sans considération de sexe, de couleur ou de race[7]

En Haïti, la pénalisation du viol a été un grand effort visant à apporter une solution contre les agressions sexuelles8. Il est puni par Le Code Pénal Haïtien (CPH) d’une peine de dix ans de travaux forcés (art 278). Les autres formes de violence physique sont traitées au même titre que les coups et blessures, le meurtre ou l’assassinat. 

Cependant, la lenteur des procédures due à la négligence de certaines autorités handicape le plus souvent la prise en charge efficace des victimes et contribue à pérenniser le cercle infernal qu’est la violence. Souvent, certains juges choisissent de protéger les bourreaux au détriment des victimes, soit en contrepartie de pots-de-vin, de privilèges sociaux ou par peur de représailles.[8]

De ce fait, nous pensons qu’une approche plus rigoureuse des dossiers des femmes victimes de violence doit être imposée aux acteurs de la justice. Pourquoi pas la mise en place d’une unité spéciale au sein de la police judiciaire, comme c’est le cas pour les mineurs, composée de femmes ou d’hommes formés à ce sujet, qui seront aptes à traiter les dossiers relatifs aux femmes battue, violées et/ou et assassinées ? Les autorités doivent aussi travailler à l’élaboration et à l’adoption de propositions de lois visant particulièrement à apporter une réponse à long terme à cette problématique. Mais le droit suffit-il uniquement à atteindre l’objectif de l’élimination de cette violence ?

Combattre la violence par l’éducation

La violence faite aux femmes et le patriarcat sont intimement liés. Arriver à la réduction voire même à l’élimination de cette violence doit d’abord passer par la déconstruction de ce paramétrage inconscient qui la présente comme un fait normal. Pour y arriver, nous pensons que l’éducation peut être un outil efficace.

Quand nous parlons d’éducation, nous entendons la mise en place d’une structure pouvant permettre de formater les mentalités. Un homme qui apprend à respecter la femme ne la considérera pas comme un être à châtier, un être faible à exploiter ou un objet sexuel qui doit assouvir ses désirs. 

 S’il est vrai que les victoires concédées aux femmes par le droit ne sont aucunement négligeables, elles n’auront pas d’effets réels en dehors de l’éducation,  sans une action de sensibilisation des agents qui doivent veiller à sa mise en œuvre. Comme l’affirme Maurice Barrès : « Ce n’est pas la raison qui nous fournit une direction morale, c’est la sensibilité ».

In fine, nous pouvons dire que le Droit et le féminisme à travers l’histoire, malgré les divers progrès qu’ils ont permis de faire dans le combat contre la violence que subissent les femmes, ne sont pas suffisants à éliminer ce phénomène. Notre thèse est que le patriarcat  est l’une des principales causes historiquement liées à la violence que vivent les femmes et que l’éducation doit être considérée comme une action complémentaire, mais indispensable pouvant contribuer à son élimination. 

Rosenie Volcy


[1] HCDH, Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes

[2] www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/facts-and-figures consulté le 19-01-2022 

[3] Pierre Bourdieu, La domination masculine, éditions du seuil, France, septembre 1998

[4] Nacira Guénif-Souilamas et Eric Macé, éditions de l’aube, France, 2006, page 17

[5] Op.cit un.women.org

[6] Article 4 de la Convention Interaméricaine pour la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme,  encore appelé convention de BELEM DO PARA.

[7] Les droits des Femmes sont des droits de l’Homme, HCNUH,  HR/PUB/14/2,  page 3

8 Article 222-23 du Code Pénal Haïtien

[8] L’impunité des violences faites aux femmes en Haïti, par Avocats Sans Frontières Canada (ASF Canada) www.asfcanada.ca/site/assets/files/7636/asfc_memoire_violence_faites_aux_femmes_en_haiti.pdf.

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