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Haïti-Champêtre-Site naturel : Les Volcans de Gelée !

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Elles sont nombreuses les villes du pays, dont l’histoire est intimement liée à un patrimoine, un site, etc. la ville des Cayes et sa perle, Gelée qui ne luit presque plus, entretiennent cette relation qui plane au-delà des limites du temps pour s’ancrer dans la mémoire des voyageurs en quête de plaisirs.

Cette référence ultime d’une ville qui n’échappe pas au délitement d’une société en bouleversement constant, subit les caprices et les méfaits de cette crise chronique d’inattention qui frappe ces témoins d’une histoire déchue.

Une quinzaine de jours avant la Notre-Dame, l’étape suprême dans le calendrier des amants de champêtres, Gelée fait pâle figure. Sa robe grise est entachée de toute sorte de teintes, dont les origines résident dans l’oubli de ceux-là appelés à la protéger. Les plaies laissées par Matthew tardent à se refermer. Mais, au-delà de ces traces déposées par les éléments déchainés, les méfaits de l’homme sur ce site dont la beauté n’a d’égal que sa dimension gigantesque sont presque irréparables.

Dans cet univers de sable et d’eau, la récréation est permanente. Point n’est besoin de se réinventer pour éliminer le stress quotidien généré dans un pays crisophile dont la jeunesse s’éparpille sur la carte du monde comme les aventuriers médiévaux. Pourtant, noyés à travers ce grand espace, les esprits stagnent et accouchent de petits projets qui, sous les assauts du temps, deviennent des reliques amorphes et repoussantes. Gelée, point d’orgue de toute incursion dans la ville des Cayes, s’enlaidit et perd de son éclat et de son pittoresque.

Les guérites transformées en bar, les hôtels qui bordent la route principale, constituent un décor livide pour un monument dont le potentiel est inestimable. La débrouillardise s’érige en manière d’être, estompant dans l’ombre d’un informel envahissant le formel timide qui aura été un mensonge des pseudo-rois et snobes verbophiles amoureux de leur intonation sur laquelle rebondissent les fallacieuses promesses préjudiciables à nos valeurs et notre identité de peuple.

Pour le plaisir et l’aventure, le visiteur qui transcende cette encombrante réalité peut se plonger dans ce qui reste encore vivant dans cet univers du beau, de l’excès et des oublis. Il retrouve là l’écrin naturel de sa quête de plaisir. Construire une nouvelle histoire qui se conte soit dans les boudoirs, soit dans les cercles d’amis, contribue à forger l’humain dans ses vertus et dans ses vices les plus absurdes. C’est selon. Gelée, dans sa timide démesure, malgré tout est l’endroit rêvé.

Une plage qui s’étend à l’horizon, caressant sans répit une mer aux mines renfrognées, est un délice pour le regard qui se pose sur cette harmonie d’une nature qui alterne son calme protecteur et sa colère destructrice à l’envi. La fraicheur procurée par l’eau de coco et les vertus presque incomparables de la bière fraiche sous un soleil d’été, sont goûtés passionnément en attendant le poisson en sauce ou boucané dont les demandes atteignent des proportions inégalées.

Le défilé des amoureux délectant le plaisir du sable glissant entre les orteils où les vagues qui viennent mourir sur la côte égalent l’extase procurée par la brise qui flatte la peau et les narines où le baiser salé ravi lors d’une baignade improvisée. C’est ainsi qu’à chaque visite, Gelée construit de nouveaux apôtres pour faire avancer sa cause au-delà des frontières du Sud. Gelée, ce « théâtre du bonheur » défiguré, qui attend toutefois un sursaut d’orgueil des autorités pour se relever totalement, tout comme le vacancier qui attend la nuit pour de nouvelles aventures.

Bien que la plage, la nuit, accueille mal ses visiteurs. La pollution sonore et l’anarchie dévergondée qui y règne sont repoussantes. L’ambiance orgiastique qui se déroule sous les tentes où dans les voitures qui s’aventurent sur la plage, invite à la prudence. Une prudence d’autant plus nécessaire que les forces de l’ordre sont quasiment absentes de cet espace où s’attroupe inlassablement une jeunesse en quête d’aventure, de loisirs et de souvenirs.

Au fur et à mesure que la nuit vieillie, Gelée livre d’autres secrets au regard inquisiteur des visiteurs lassés des ambiances sombres et monotones de la Capitale, qui cherchent à comprendre sa réalité. Une réalité construite au rythme du temps et grâce aux insuffisances des autorités.

Minuit, une heure redoutée en Haïti. Ce serait le moment où les démons laissent leur antre. À Gelée, le calme revient. De rares bars sont encore ouverts. Alors que l’odeur du poisson boucané et le bruissement des vagues sur le sable grisâtre entretiennent une certaine ambiance festive, pour faire patienter les clients de dernière heure, se produit un phénomène inattendu et inconnu de la plupart des Haïtiens.

Plusieurs cratères tels des volcans en éruption s’allument sur la plage, vomissant une fumée infecte. À la lueur de ces feux, des silhouettes se mélangent dans le sable. Restons au feu ! Des jeunes entourent ces feux et discutent. Au Premier regard, il est facile de comprendre que ce sont les déchets générés durant la journée dans les bars de fortune qui y sont détruits. Des scènes similaires avaient été contées par le grand romancier Gary Victor sidéré de voir des riverains de Jacmel enterrés des déchets sous le sable de Raymond les Bains.

Questionnés sur les raisons pour lesquelles, ils ont procédé de la sorte, ces jeunes commerçants de Gelée répondent, presque en chœur, que la plage est sale et que la mairie a enlevé les poubelles et ne viennent plus collecter les déchets. « Le seul moyen de s’en débarrasser pour ne pas salir la côte c’est de les brûler et de les enterrer dans le sable ». Le sable de Gelée cache donc un véritable dépotoir témoignant de notre insouciance et l’irrespect de cette matrice : « l’environnement » qui entretient notre éphémère vie, dans cet univers infini.

Lionel Edouard

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