La relation Gourde et Dollar US, la courbe s’affaiblit, faudrait-on réjouir de l’injection de la banque centrale?
5 min readLes banques centrales communément appelées « Banque des Banques » ont un rôle crucial à jouer dans les activités économiques d’un pays surtout en ce qui a trait à la politique monétaire. Cette dernière représente l’ensemble des décisions et interventions prises par les autorités monétaires en agissant sur les quantités de monnaie et actifs financiers dans l’économie. Tenant compte des complications que peut engendrer la monnaie, elle est strictement contrôlée et surveillée par les banques centrales par le moyen de ses nombreux instruments. En agissant sur l’offre de monnaie les banques centrales veillent à tout prix à remplir son triple objectif à savoir la stabilité du taux d’intérêt, la stabilité des prix, et enfin la stabilité de taux de change.
De notre côté en Haïti, le patron des banques commerciales est la Banque de la République d’Haïti (BRH). Constatant depuis des années la dépréciation accélérée de la gourde vis-à-vis du dollar américain, la BRH en tant que Maître et Seigneur a dû souvent faire sentir sa voix dans le marché de change par de nombreuses mesures bien que parfois sans résultat concret. L’histoire de ces deux monnaies remonte depuis la période de l’occupation américaine (1915-1934). Après cette période, on a assisté à l’indexation du taux de change fixe où 1 dollar valait à cette époque 5 gourdes et cette situation a duré environ un demi-siècle. Cependant vers la fin des années 80 cette indépendance a été cessée par la pression des organisations internationales comme le GATT, le FMI et l’OMC pour aboutir au régime du taux de change flexible ou flottant régie principalement par la loi de l’offre et de la demande.
Le taux de change a connu depuis lors des fluctuations assez importantes et les choses ont dû se dégénérer ces dernières années. La dépréciation est devenue si intense qu’entre août 2010 et août 2020 la gourde a perdu 194,37% de sa valeur soit une moyenne annuelle de 19.43%, passant de 39,8522 à 117,3135 gourdes. Méfiant et sceptique pour l’avenir, la BRH a fait son apparition dans le jeu pour empêcher le pire. Ainsi, le locataire de la banque centrale, Monsieur Jean Baden Dubois tout en voulant réduire le rythme croissant de la dépréciation de la gourde face au dollar annonçait que l’organisme dont il a la charge va injecter 150 millions de dollars américain sur le marché des changes. Cette injection qui a commencé depuis le 10 août 2020 devrait prendre fin le 30 septembre et devrait se faire sur une base hebdomadaire selon ce que nous avons lu sur le compte officiel Twitter de la BRH. Un montant de 47 millions a déjà injecté qui représente 31,33% et le reste de 103 millions soit 68,67% va faire son apparition après.
En date du vendredi 28 août 2020 la valeur du dollar était de 117,7024 gourdes, une semaine plus tard soit le vendredi 04 septembre 2020 la gourde s’appréciait à un rythme assez intéressant et le dollar s’échangeait désormais à 108,4940 gourdes, soit une appréciation de la gourde de 7,82% soit une moyenne journalière de 1,11%. On aurait pu dire que l’objectif de la banque centrale à travers cette injection commence à se faire sentir, si on tient l’hypothèse selon laquelle elle est l’élément provocateur. Mais il est trop tôt pour affirmer une telle chose car l’économie haïtienne est très complexe et spéciale. Dans un tel contexte, il serait préférable de ne pas trop se précipiter. La considération du passé dans les analyses économiques sont d’importance capitale, car les agents économiques en tant qu’être rationnel agisse le plus souvent par les anticipations autorégressives. Sur ce, il nous vient à l’esprit de faire une comparaison entre la dernière appréciation de la gourde avec cette nouvelle.
La dernière a eu lieu au cours de l’exercice de 2016-2017. Vu la dépréciation importante qu’à connu la gourde à cette époque, entre le mois d’avril et de septembre la BRH a décidé d’injecter environs 100 millions de dollars. Les résultats ont été quand bien même satisfaisants si on tient toujours le même hypothèse.. La gourde a apprécié en passant de 69 gourdes pendant le mois d’avril à 62,70 gourdes à la fin de l’exercice soit d’environ 9,13% dont 1,82% mensuel avec l’écart d’environ 6,3 gourdes pendant 5 mois. Pendant cette période il n’a pas eu aucune variation aussi importante à la hausse qui a pu dépasser la barre de 69 gourdes.
Dans le même contexte que 16-17, pour l’exercice de 19-20 la BRH a décidé de faire bouger la ligne. Avec les 47 millions déjà injectée qui représente presque la moitié des 100 millions de l’exercice 16-17, ce montant a provoqué un meilleur record et un écart d’environ 9 gourdes et quelques centimes et en moins de temps, en considérant toujours le même hypothèse. De plus, si les 47 millions ont provoqué une baisse de 7,82%, ceteris paribus, les 103 millions pourraient faire augmenter cette baisse soit de 17,13% de plus. Donc, la gourde va encore connaître d’une valeur extraordinaire.
Cependant, il ne faut pas oublier que ces analyses se basent sur des hypothèses et des théories puisque les calculs se font avec et sur la base d’analyse de ce qui s’est produit dans le passé. Cette hypothèse se base sur la théorie selon laquelle l’appréciation de la gourde aurait pour cause l’injection effectuée par la banque centrale. A cet effet, on pourrait espérer encore plus de valeur pour la gourde vis-à-vis du dollar pour le reste de l’exercice et pourquoi pas pendant quelques mois si les autres facteurs ne viennent pas troubler le mécanisme.
Pourquoi les prix des biens et produits sont toujours restés fixes tandis que la valeur du dollar baisse ?
Devrait-on s’attendre à une autre mesure de la banque centrale susceptible d’agir sur la stabilité des prix ?
Existe-il une relation de causalité entre le taux de change et l’indice des prix à la consommation (IPC) dans l’économie haïtienne ?
Voici quelques questions que l’ensemble de la population ne cesse de se poser aujourd’hui et elle attend toujours à être éclairée sur ces points par les économistes.
GATT: General Agreement on Tarrifs and Trade (Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce)
FMI: Fonds Monétaire International
OMC: Organisation Mondiale du Commerce
Bibliographies
1. HATIER, Sciences Économiques et Sociales, Paris, juillet 1990, pp252.
2. lenouvelliste.com/article/220314/leffet-de-rente-sur-change-allie-ou-ennemi-des-agents-économiques
3. www.brh.ht
4. Service change BRH
Auteur :
Romel Bito FENELUS
Étudiant en Économie 2’, Université Notre Dame d’Haïti (Port-au-Prince)
Étudiant en Anglais, Leadership, Informatique (HELP)
Contact : +(509) 4812-8636 / 3502-5258
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