Conseil de sécurité de l’ONU: «Ce n’est pas le moment de laisser tomber Haïti dans l’agenda », plaide Mme La Lime
5 min readAu cours de la session du Conseil de Sécurité de l’ONU sur le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti à New York, tenue le 18 février 2022, Helen La Lime, appelle la communauté internationale à soutenir les efforts de renforcements structurels en Haïti.
Le vendredi 18 février 2022, au moment où des organisations de la société civile haïtienne, accompagnées des ouvriers protestataires, se préparaient pour un sit-in sur la place de la Constitution pour protester contre l’insécurité, la vie chère et un ajustement du salaire minimum, le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est réuni pour une nouvelle session sur le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). La représentante spéciale du secrétaire général de l’ONU en Haïti, Helen La Lime, a fait le point sur la situation qui règne dans le pays.
Le « calme après le 7 février », un signe d’apaisement d’après Helen La Lime
Pas de grandes scènes de manifestation dans les rues de la capitale à l’occasion du 7 février dernier, la représentante Spéciale Helen La Lime y voit un signe d’apaisement des tensions. Selon elle, le nouveau gouvernement formé le 24 novembre 2021 serait à l’origine de cet exploit. « Un élan semble se créer autour d’un effort visant à former un Conseil Electoral Provisoire inclusif, crédible et efficace qui inspirerait confiance parmi une masse critique de parties prenantes nationales », estime madame La Lime. Toujours selon la diplomate, « Les négociations entre les partisans de modèles de gouvernance de transition concurrents ont maintenant atteint le stade où le succès sera déterminé par leur volonté collective de compromis».
La Police Nationale d’Haïti dépassée par les évènements
S’adressant aux membres du Conseil de Sécurité, la cheffe du BINUH a étalé la situation de l’insécurité en Haïti qui selon elle, « continue de plonger les grands centres urbains dans l’anarchie et le chagrin ». « Le recours aveugle aux enlèvements, aux meurtres ainsi qu’aux violences sexuelles et sexistes comme moyen de terroriser les populations locales dans la lutte pour étendre leur contrôle territorial est particulièrement odieux », s’indigne Madame La Lime.
La Police Nationale d’Haïti fait son maximum afin de rétablir l’ordre mais ses capacités sont limitées, estime la diplomate. L’institution policière a tenté de limiter la progression de la criminalité en Haïti en améliorant l’efficacité de ses opérations antigang et en adoptant « une approche plus équilibrée entre prévention et répression ». Toutefois, Madame La Lime regrette que tous ces efforts ne suffisent pas. « Des résultats temporaires modestes dans des zones telles que la Croix-des-Bouquets dans la région métropolitaine », estime la représentante du Secrétaire Générale qui voit la Police Nationale dépassée par les évènements.
« Surchargée, en sous-effectif et en manque de ressources », tels sont les mots employés par Madame Helen La Lime en soulignant que seule, la police nationale haïtienne ne pourra pas freiner l’insécurité que créent les gangs. C’est dans cette perspective que le Gouvernement haïtien, les Nations Unies ainsi que d’autres partenaires internationaux ont décidé de venir en aide à l’institution policière. « Pour lui apporter les secours dont il a tant besoin, le Gouvernement, les partenaires internationaux d’Haïti et les Nations Unies ont conjointement décidé de renforcer l’appui international et la coordination de l’assistance à l’institution, en vue d’assurer son développement efficace et structuré à long terme », toujours selon les propos de la diplomate devant le Conseil de Sécurité.
La faiblesse du système judiciaire Haïtien
Assassinat en 2020 du feu le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince, Me Monferrier Dorval, assassinat de feu le Président de la République Jovenel Moise la nuit du 6 au 7 juillet dernier, massacre de La Saline en 2018, massacres à Bel Air en 2019 et en 2020,ces crimes qui restent à ce jour impunis, sont ceux soulevés par Madame La Lime parmi les centaines d’autres survenus ces dernières années dans le pays. Selon Mme Lalim, l’enquête nationale sur le meurtre du Président Moïse « est au point mort » et de ce fait constitue « une situation qui alimente les rumeurs et exacerbe à la fois les soupçons et la méfiance à l’intérieur du pays ».
« Le système judiciaire haïtien souffre de graves faiblesses structurelles, comme en témoignent les graves difficultés rencontrées pour renouveler à temps le mandat des juges », rappelle madame La Lime. Des progrès comme l’augmentation récente du nombre d’audiences tenues sont selon elles des signes encourageants et ils doivent être soutenus. Toutefois, plaidant pour le renforcement structurel de la justice haïtienne, Madame La Lime précise la nécessité de recourir à des normes supplémentaires qui devront aider à préparer l’entrée en vigueur des nouveaux Codes Pénale et de Procédure Pénale.
Concluant son discours par devant le Conseil de Sécurité, Madame Helen Meagher La Lime a incité la communauté internationale à ne pas lâcher Haïti et à veiller à ce que des reformes structurelles soient entreprises.
Par ailleurs, il convient de rappeler que depuis la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU le 25 juin 2019 créant le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti pour succéder à la MINIJUSTH, les crises n’ont pas cessé de croître et l’instabilité politique s’étend chaque jour un peu plus. La République Dominicaine et la République Populaire de Chine avaient-elles raison de s’abstenir lors de cette résolution en arguant la faiblesse du mandat du BINUH face à la situation ?
Clovesky A.-G. PIERRE
Cloveskypierre1@gmail.com