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Le mal aimé !

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La décision prise par le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) cette semaine fait débat. Cette institution régulatrice du système judiciaire haïtien, a décidé de ne pas certifier une trentaine de juges parmi ceux que la Commission Technique de Certification (CTC) avait soumis à son intention. Ces magistrats non certifiés montent au créneau et provoquent un tollé en dénonçant, ce qu’ils appellent, une injustice.

De son côté, le CSPJ fait les précisions nécessaires en rejetant du coup les accusations portées contre les conseillers.  Les procédures, la méthodologie et la loi ont été scrupuleusement respectées au cours du processus, a affirmé le conseiller, Me Evens Fils, représentant de la Fédération des Barreaux au Conseil. Il a souligné par ailleurs que le motif le plus fréquent rencontré dans le traitement des dossiers est la corruption.

À en croire les magistrats non certifiés, ils ont été pris pour cibles. Ils sont intègres mais pour des raisons politiques, on les éjecte du système. C’est le même discours véhiculé par ceux qui ont été sanctionnés par le Canada et les États-Unis. Tous clament leur innocence. Tous cherchent des boucs-émissaires. Ils sont tous victimes de manipulation, de diffamation, de complot. Ils sont tous pris pour des brebis galeuses alors qu’ils sont des enfants de cœur.

Les faits sont évidents. Les impacts de la corruption sur la vie de la communauté sont plausibles. Mais, personne n’est corrompu. Tout le monde agit selon les lois et les principes. Paradoxal ! Tout le monde se met d’accord sur le fait que la corruption est en train de détruire nos institutions mais en profite en cachette, à un niveau ou à un autre, sans vouloir qu’on le pointe du doigt. La corruption c’est le mal aimé. S’en délecter est ce qu’il y a de plus agréable. Mais, se faire avoir, c’est la plus grande accusation qu’on puisse porter contre vous. S’il est vrai que porter des accusations non fondées contre des gens en Haïti est monnaie courante, il est aussi vrai que la corruption gangrène nos institutions et s’est banalisée depuis longtemps, en raison de l’impunité érigée en système.

En Haïti, nous jouons le double jeu : dénoncer et profiter. Jovenel Moïse en était un exemple parfait. Étant au pouvoir, il n’arrêtait pas de dire que le principal problème du pays était la corruption. Pourtant, bien avant son assassinat, il a avoué avoir accepté de nommer plus de cinquante juges corrompus dans le système. Bien avant qu’il ne se présente aux élections de 2015, l’Unité Centrale de Renseignement financier (UCREF) avait sorti un rapport qui établissait le lien du feu Président avec le blanchiment d’argent. Cela ne l’a pas empêché de devenir Chef d’État et de déclencher le processus d’affaiblissement des institutions étatiques, en commençant notamment par l’UCREF.

Ceux qui outrepassent leurs droits pour profiter de leurs fonctions dans l’administration publique sont nombreux. L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a récemment informé que près d’une quarantaine de  Parlementaires, et pas des moindres, n’avaient pas fait leur déclaration de patrimoine. Les Parquets des différentes juridictions ont été saisis de ces dossiers incluant ceux de plusieurs magistrats. La corruption est partout. Elle est protégée par ceux qui font les lois et ceux qui devraient les faire appliquer, entre autres.

Comment sortir de ce labyrinthe ? Est-ce que ces séries de sanctions sans précédent, ne pourront pas nous servir de déclic ou d’avertissement pour revenir à la normalité ? De toute évidence, nous savons, à moins qu’ils ne prouvent le contraire, que nous avions depuis longtemps introduit les loups dans la bergerie. «  Plimen poul la men pa kite l rele ». La corruption est une mamelle douce. Nos dirigeants, nos hommes d’affaires, des familles, presque personne ne veut s’en passer même si elle appauvrit la majorité. Même quand elle signe la mise à mort de la communauté. Nombreux sont ceux qui la dénoncent. Qui en profitent. Qui boivent ce poison avec un cœur joyeux.

Daniel SÉVÈRE

danielsevere1984@gmail.com

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