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Les collectivités territoriales en 2020: entre la détresse des finances locales et l’ingérence du pouvoir central dans les affaires locales

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Les collectivités territoriales haïtiennes souffrent depuis des lustres du manque de moyens de toute sorte pour remplir convenablement leurs fonctions. Sur les sept organes composant le pouvoir local, seulement trois sont opérationnels. De l’Assemblée Municipale (AM) au Conseil Inter- Départemental (CID), en passant par les Assemblées et les Conseils Départementaux (CD), il reste encore de multiples efforts à consentir pour l’institutionnalisation du pouvoir local et de la décentralisation.

Au cours de cette année bien particulière, aucune mesure conséquente n’est prise en faveur des collectivités territoriales. Au contraire, tant du point de vue financier et administratif, elles sont piétinées par le pouvoir central. En se basant sur les principes de la décentralisation, cet article se propose de faire le point sur les évènements les plus frappants ayant touché, d’une façon ou d’une autre, les administrations locales. 

La question du statut des gestionnaires des collectivités territoriales a été, depuis le début du mois de janvier, la principale préoccupation des acteurs locaux. On se demandait est-ce que le pouvoir exécutif, par faute de moyen d’organiser les élections à temps, va pouvoir bénéficier de ses propres erreurs en remplaçant les maires élus par des Agents Intérimaires de l’Exécutif (AIE), comme il a été le cas  en 2011? Et autour de cette préoccupation, plusieurs organisations politiques se positionnent publiquement.

Dans cette foulée, la Fédération Nationale des Maires d’Haïti (FENAMH) exige que les maires restent en place jusqu’à l’organisation des nouvelles élections municipales. Une jeune organisation évoluant dans le domaine des collectivités territoriales, la TOKAY, suggère aussi la même chose que la FENAMH. Mais cette dernière, en demandant le respect de la constitution dans le traitement ce dossier, exige la participation de la population au cas où il s’avère nécessaire de procéder au renouvellement des gestionnaires des collectivités territoriales avant la tenue des élections locales. Par contre, la Coalition des Anciens Maires Intérimaires d’Haïti (CAMIH) a déjà donné une conférence de presse depuis le 29 décembre 2019 pour exiger de nouvelles têtes pour diriger les collectivités territoriales une fois que prend fin le mandat des élus.

Cette position qui est contraire à la constitution et aux principes généraux de la décentralisation a été, malheureusement, celle qu’a adopté le président de la république qui a pris une première en date du 8 juillet 2020 pour nommer de manière unilatérale des agents de l’exécutif, sous le forme de commission communale, dans 141 commune dans le pays. C’était le moyen le plus sûr pour le président de la République, Jovenel Moïse  de faire le ménage dans les collectivités territoriales en mettant de côté tous les maires, comme Rose Mila Petit- Frère, Jean Junior Auguste, ect., qui s’opposaient à sa politique.  

Cette décision a complètement chamboulé plusieurs communes dans le pays, surtout celles du département de l’ouest et de l’Artibonite. En termes de pertes matérielles et autres, les communes de Gros Morne, Petit-Goâve, Hinche et Anse Rouge ont été les plus touchées par la colère de la population qui se révoltait contre le choix du président. Par contre, pour les communes de Tabarre et de Carrefour, ce sont les partisans du président de la République eux-mêmes qui organisaient des manifestations violentes pour réclamer leur part du gâteau. Du 30 juin au début du mois d’août, les collectivités territoriales ont été K. O. par les coups de décret du président et de la violence assortie de sa décision. 

Pour ce qui est de la gestion de la crise sanitaire occasionnée par la Covid-19, les collectivités territoriales ont connu de grandes difficultés. Les subventions de l’État, en lien avec la gestion de la crise, a été particulièrement dérisoire. Par manque de moyens pour épauler la population durant la période de confinement, il leur était très difficile de prendre certaines décisions. Et les rares mesures qu’elles ont prises n’ont pas duré, d’autant plus qu’elles ne pouvaient pas faire d’importants investissements en équipements spécialisés dans la gestion de la crise. 

Tout cela peut s’expliquer par la faiblesse des recettes locales d’une part, et de l’autre par le manque de volonté du pouvoir central de prendre des décisions conséquentes pour le renforcement des administrations locales. 

Les événements de 2020, que ce soient d’ordre politique ou sanitaire, ont contribué à dégraisser davantage les ressources internes des collectivités territoriales dans une situation où elles ont besoin d’augmenter leurs dépenses. Et, le pire dans tout ça, l’État haïtien, via le Ministère de l’intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT), n’a pas su effectuer à temps les virements du Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT) aux administrations locales. Cette situation a aussi contribué à mettre les gestionnaires des exécutifs locaux dos au mur. 

En somme, l’institutionnalisation de de la décentralisation et le renforcement des capacités locales sont encore dans l’impasse. Les collectivités territoriales sont toujours dans l’impossibilité de se soutenir financièrement, comme le veulent les principes généraux de la décentralisation. Encore en 2020, l’État continue de gérer à sa guise le FGDCT qui recouvre environ une assiette de 1 700 000 000 gourdes. Les finances locales sont en chute libre, et que ce soit au niveau local ou du côté du pouvoir central, il n’y a aucune politique visant à redresser la situation. 2020 a été un coup de pouce vers le dégraissement des finances locales. 

Michelin Etienne

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