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Port-au-Prince, « un poème vivant qui nous habite tous, elle n’est pas la violence qui y règne aujourd’hui », soutient le poète Frantzley Valbrun

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Naguère, la ville de Port-au-Prince se voulait être une « ville poétique », bondée de cercles de réflexions et d’arts et les activités socio-culturelles y étaient nombreuses. Aujourd’hui, avec la violence armée qui secoue le pays, la capitale devient à grand pas un repère infernal. Pour le poète Frantzley Valbrun, tout n’est pas perdu, et il appelle à la résistance artistique.

Depuis plus de quatre ans, la violence imposée par les gangs armés devient le principal qualificatif de la capitale du pays. Dans les rues de Port-au-Prince, désormais personne n’ose s’aventurer sans nécessité tant les incidents criminels sont constants. Depuis maintenant quelques années, presque plus de théâtres de rue ne sont organisés à Port-au-Prince, plus de carnavals, de spectacles, et la plupart des autres manifestations culturelles subissent un grand ralenti. Même les rassemblements politiques, tout comme les manifestations populaires, ne se tiennent plus dans les rues de la capitale.

Pour le poète épique et cosmopolite Frantzley Valbrun dit « Konpè Konsèy », auteur des recueils de poésie « Makòn Dan » en 2017 et « Kolye An Denmon » en 2019, « la vie même à Port-au-Prince est une violence », une violence qui plonge la ville dans le chaos et le désespoir. « Pour nous qui vivons à Port-au-Prince depuis quelque temps, nous savons que la capitale d’Haïti est le lieu de concentration d’une violence systémique. Et donc, les rapports que la ville développe avec elle-même et avec les autres villes du pays sont empreints de violence et de domination », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée au journal Le Quotidien News.

Selon le poète du Bel-air, les activités socio-culturelles ont peu à peu disparu avec la montée des activités criminelles. « C’est un constat, depuis cette insécurité généralisée où les bandits armés, sans foi ni loi, kidnappent et terrorisent la population, le nombre des activités socio-culturelles a baissé. Ainsi, ce ne sont que certaines associations culturelles qui tentent d’organiser quelques activités au ralenti ».

« Penser, faire de la poésie, c’est déjà une grande résistance »

Pour le poète, l’art ne saurait abandonner face à la peur. Pour celui qui se prépare à publier un nouveau recueil « Letènite Dan Bonbon », poème épique, cosmopolite, en hommage à la Reine Anacaona, malgré la violence, on ne peut pas affirmer que la ville perd son art. « Cependant, cela n’enlève rien de la dimension artistique de la ville de Port-au-Prince comme moteur de l’art dans le pays », a-t-il soutenu. « Penser, faire de la poésie, c’est déjà une grande résistance à Port-au-Prince où le niveau de violence est le plus élevé dans le pays », estime le poète.

Malgré la dureté de la vie à Port-au-Prince, Frantzley Valbrun croit pouvoir s’organiser dans la capitale pour poursuivre son chemin. « Pratiquement, dans toutes les sociétés, on ne crée pas une vie pour les poètes, ce sont eux qui inventent leurs propres vies, réinventant une vie qui puisse aller au-delà des impositions du système social. Ici, il n’y a pas une vie pour nous, ce sont les mots qui nous servent d’oxygène, ce sont eux qui nous maintiennent en vie ».

Pour lui, la ville de Port-au-Prince ne risque pas de sombrer face à la peur, « Port-au-Prince est un poème vivant qui nous habite tous, elle n’est pas la violence qui y règne aujourd’hui ».

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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